Entrer dans la carrière universitaire. Pour n'en plus sortir ? Pierre
Bourdieu
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Victor Collard, *Genèse d'un sociologue*, Paris, CNRS éditions, 2024,
Index, Bibliogr., 447 p.
De son enfance lycéenne aux débuts de sa carrière univers...
dimanche 31 juillet 2011
Philosophes dans la vitrine
Place de la Sorbonne, un grand libraire et éditeur, La Librairie Philosophique Vrin, sans doute le meilleur libraire de Paris pour la philosophie (entre autres), a mis la philosophie française en vitrine. Formidable ! Dans ce Quartier latin où les marchands de fringues et les boutiques de nourritures dite rapides auront bientôt fini de chasser les librairies, comment ne pas applaudir.
Pourtant, à y regarder de près, il m'a semblé qu'un acte manqué, un oubli, une étourderie, qui sait, une ignorance - à moins que j'aie mal vu - retient de se réjouir sans arrière pensée de cette belle initiative. Tout le monde est là, avec plusieurs titres parfois : Sartre, Foucault, Bachelard, Merleau-Ponty, Canguilhem... sauf Emmanuel Lévinas. Dommage. D'autant qu'il a publié plusieurs ouvrages chez cet éditeur, et ce, dès 1947, d'autant qu'il a introduit Husserl en France, dès 1931, bien avant ceux qui, en vitrine, se sont fait un nom grâce à la phénoménologie, d'autant qu'il a fréquenté cette Sorbonne, où il a fait cours, participé à des jurys de thèse... Lui qui a donné statut philosophique au regard et au visage mérite la première place parmi ces figures. Merci à Vrin de réparer cette oubli.
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jeudi 21 juillet 2011
Presse et sport dans la France nazie
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Jacques Seray, La presse et le sport sous l'Occupation, Paris, 2011, Editions Le Pas d'Oiseau, 285 pages, Bibliogr., Index, Documents annexes. Préface de Pierre Albert.
On ne dira jamais assez la contribution constante et exemplaire des organisations sportives à l'établissement et au maintien des régimes fascistes et autres dictatures en tout genre (nations soviétisées, Espagne franquiste, Allemagne nazie, Italie mussolinienne, etc.). Le sport, olympisme compris, a les mains sales. Et cela ne s'arrnage pas !
Cet ouvrage raconte, plus qu'il n'analyse, la contribution du sport et de sa presse à la collaboration avec les nazis et le pétainisme en France. Bien documenté, bien informé, l'auteur détaille, parfois avec un humour féroce, les compétitions, leur évolution, leurs relations avec la presse sportive. Alors que l'on impose le port de l'étoile jaune, que l'on déporte et assassine, l'essentiel pour la population française reste l'organisation de sa vie quotidienne : faire comme si rien n'avait changé. C'est l'objectif assigné à la collaboration par les nazis : que sur le front Ouest tout reste calme. Courses cyclistes, championnats de football y contribuent. Le Maréchal veut une jeunesse saine et musclée. "Serment de l'athlète", carte du sportif, Vichy a même une politique du sport à laquelle contribuent, avec dynamisme, de nombreux champions (Jean Borotra, etc.) et la presse !
La course Paris-Roubaix peut avoir lieu alors même que l'armée nazie assassine à deux pas (cf. p. 216). Emblématique. Boxe, rugby tout va bien : alors que les troupes américaines et anglaises ont déjà débarqué, la France s'enthousiasme avec la "presse traduite" pour les grandes compétitions sportives. Seules la radio (Londres) et la presse clandestine, résistante, informent...
La collaboration est populaire, mais, pourtant, il suffira de quelques semaines pour que s'effectue un revirement complet. Discret opportunisme et intérêts bien compris : une phrase clé citée par Jacques Seray énonce le principe qui permettra d'excuser la collaboration de la presse : "ainsi certains rongeaient leur frein dans une presse qui n'était pour eux que nourricière" (p. 234). On "s'accommode", comme dira Jean-Paul Sartre. D'autant plus convaincant que ce n'est pas son objet premier, le livre en dit long sur l'intrication des mécaniques complexes de la vie publique, des intérêts égoïstes et de la morale personnelle. L'auteur rend compte subtilement, par touches, plutôt que par démonstration, de l'acceptation quotidienne de la domination nazie. La plupart des collabos seront graciés et reprendront leurs activités : en fait, la collaboration n'est pas un crime quand elle est raisonnable et pas trop visible ! Le changement de politique, après la victoire des Américains et des Anglais, se fera souvent avec les mêmes personnes. On mettra l'oubli au programme des gouvernements, on en fera une vertu. Ainsi, par exemple, un certain Jean Dauven, journaliste à Tous les Sports, s'illustre par des écrits antisémites "nauséabonds" sur "les Juifs et le sport" (cf. Annexe 9, p. 265) ; qu'importe ! en 1966, il publiera chez Larousse une Encyclopédie du sport. Comme dit Jacques Seray, "l'homme traversa aisément le miroir, nullement en butte à des vicissitudes" (p. 180).
Dès 1945-46, la presse sportive s'épanouit à nouveau. Tout quotidien publie son supplément sportif. L'Equipe remplace L'Auto, qui avait bien traversé la période. Et revient le Tour de France, avec beaucoup des mêmes journalistes et organisateurs.
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Jacques Seray, La presse et le sport sous l'Occupation, Paris, 2011, Editions Le Pas d'Oiseau, 285 pages, Bibliogr., Index, Documents annexes. Préface de Pierre Albert.
On ne dira jamais assez la contribution constante et exemplaire des organisations sportives à l'établissement et au maintien des régimes fascistes et autres dictatures en tout genre (nations soviétisées, Espagne franquiste, Allemagne nazie, Italie mussolinienne, etc.). Le sport, olympisme compris, a les mains sales. Et cela ne s'arrnage pas !
Cet ouvrage raconte, plus qu'il n'analyse, la contribution du sport et de sa presse à la collaboration avec les nazis et le pétainisme en France. Bien documenté, bien informé, l'auteur détaille, parfois avec un humour féroce, les compétitions, leur évolution, leurs relations avec la presse sportive. Alors que l'on impose le port de l'étoile jaune, que l'on déporte et assassine, l'essentiel pour la population française reste l'organisation de sa vie quotidienne : faire comme si rien n'avait changé. C'est l'objectif assigné à la collaboration par les nazis : que sur le front Ouest tout reste calme. Courses cyclistes, championnats de football y contribuent. Le Maréchal veut une jeunesse saine et musclée. "Serment de l'athlète", carte du sportif, Vichy a même une politique du sport à laquelle contribuent, avec dynamisme, de nombreux champions (Jean Borotra, etc.) et la presse !
La course Paris-Roubaix peut avoir lieu alors même que l'armée nazie assassine à deux pas (cf. p. 216). Emblématique. Boxe, rugby tout va bien : alors que les troupes américaines et anglaises ont déjà débarqué, la France s'enthousiasme avec la "presse traduite" pour les grandes compétitions sportives. Seules la radio (Londres) et la presse clandestine, résistante, informent...
La collaboration est populaire, mais, pourtant, il suffira de quelques semaines pour que s'effectue un revirement complet. Discret opportunisme et intérêts bien compris : une phrase clé citée par Jacques Seray énonce le principe qui permettra d'excuser la collaboration de la presse : "ainsi certains rongeaient leur frein dans une presse qui n'était pour eux que nourricière" (p. 234). On "s'accommode", comme dira Jean-Paul Sartre. D'autant plus convaincant que ce n'est pas son objet premier, le livre en dit long sur l'intrication des mécaniques complexes de la vie publique, des intérêts égoïstes et de la morale personnelle. L'auteur rend compte subtilement, par touches, plutôt que par démonstration, de l'acceptation quotidienne de la domination nazie. La plupart des collabos seront graciés et reprendront leurs activités : en fait, la collaboration n'est pas un crime quand elle est raisonnable et pas trop visible ! Le changement de politique, après la victoire des Américains et des Anglais, se fera souvent avec les mêmes personnes. On mettra l'oubli au programme des gouvernements, on en fera une vertu. Ainsi, par exemple, un certain Jean Dauven, journaliste à Tous les Sports, s'illustre par des écrits antisémites "nauséabonds" sur "les Juifs et le sport" (cf. Annexe 9, p. 265) ; qu'importe ! en 1966, il publiera chez Larousse une Encyclopédie du sport. Comme dit Jacques Seray, "l'homme traversa aisément le miroir, nullement en butte à des vicissitudes" (p. 180).
Dès 1945-46, la presse sportive s'épanouit à nouveau. Tout quotidien publie son supplément sportif. L'Equipe remplace L'Auto, qui avait bien traversé la période. Et revient le Tour de France, avec beaucoup des mêmes journalistes et organisateurs.
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samedi 16 juillet 2011
Al Jazeera : quel modèle de TV internationale ?
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Claire-Gabrielle Talon, Al Jazeera. Liberté d'expression et pétro-monarchie, Paris, PUF, 2011, 286 p., Bibliogr.
Dans la télévision internationale, l'événement majeur de ces dernières années est, sans conteste, la percée de la chaîne qatari de langue arabe, Al Jazeera. Dénoncée parfois comme chaîne terroriste, elle sera accusée d'etre liée à Al Quaïda dont elle aurait relayé les vidéos après le 11 septembre 2001. En 2011, son existence s'est quelque peu banalisée. Avec Al Jazeera en anglais, on la voit même pénétrer le marché américain (présente dans les premiers DMA, elle annonce 5 millions d'abonnés en décembre 2011). Al Jazeera en anglais compterait, selon la chaîne, 250 millions d'abonnés dans le monde (décembre 2011). De plus, Al Jazeera prend une place de plus en plus importante dans le football français (non sans réticences locales).
Al Jazeera, chaîne d'Etat, est lancée en 1996 par l'émirat de Qatar, auquel elle appartient. Contrairement aux autres chaînes pan-arabes (off-shore) qui diffusent des programmes de divertissement depuis l'Europe, Al Jazeera diffuse de l'information internationale en continu depuis Qatar (on-shore). Elle émet une diversité, relative, de points de vue politiques, culturels ou religieux et met fin au monopole saoudien dans les médias arabophones (groupes Orbit, Rotana, MBC, ART). Al Jazeera constitue désormais un groupe diversifié d'une dizaine de chaînes (sport, politique, information continue, enfant, documentaires). Du côté français, Lagardère participe au développement de Al Jazeera Children (JCC). Depuis 2011, Al Jazeera Sport est désormais un acteur essentiel du football français, allant sur les brisées de TF1 et Canal + : le groupe a répondu à l'appel d'offre pour les droits audiovisuels de la Ligue 1 de football (LFP, 2012-2016) qu'il a gagnés, il a également gagné les droits de la Ligue des Champions (2012-2015, UEFA). De plus, Al Jazeera Sport a repris l'équipe de football professionnel du PSG qui passe sous contrôle qatari (70%). Al Jazeera, fort de ces actifs, lancerait une chaîne de sport en France en 2012.
L'ouvrage de Claire-Gabrielle Talon, arabisante, est issu d'une thèse de sciences politiques, soutenue en 2006. L'essentiel des résultats proviennent d'analyses d'entretiens avec des cadres et journalistes de la chaîne ainsi que d'analyses de contenu des émissions diffusées par la chaîne. Outre une description méticuleuse de l'environnement et de la dépendance économique de la chaîne (Qatar, "Etat rentier", dont l'économie est fondée sur le pétrole et le gaz, etc.), elle laisse entrevoir les rouages politiques de la dynastie qatarie (clientèlisme, oligarchie, religion). Elle dégage ainsi l'originalité et le paradoxe de cette chaîne pluraliste émanant d'une nation qui ne l'est pas. Etudiant les discours de la chaîne, l'auteure les replace dans le cadre global des théories du discours journalistique et de leur histoire occidentale, invitant à élargir la réflexion sur des questions telles que l'objectivité, l'internationalisation, le rôle de la langue...
Cette étude approfondie du cas Al Jazeera débouche ainsi sur une réflexion plus générale sur les médias. Livre rafraîchissant, important pour désethnocentriciser notre vision tellement réductrice des médias télévisuels et du journalisme. Comment, dans cette perspective, se distingue, par exemple, France 24, qui émet aussi en arabe ?
Depuis la publication de cet ouvrage, le directeur d'Al Jazeera a démissionné (septembre 2011) suite à des révélations de Wikileaks sur des pressions qu'il aurait effectuées pour maintenir une ligne éditoriale ne gênant pas trop les Etats-Unis (cf. l'article du New York Times).
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Claire-Gabrielle Talon, Al Jazeera. Liberté d'expression et pétro-monarchie, Paris, PUF, 2011, 286 p., Bibliogr.
Dans la télévision internationale, l'événement majeur de ces dernières années est, sans conteste, la percée de la chaîne qatari de langue arabe, Al Jazeera. Dénoncée parfois comme chaîne terroriste, elle sera accusée d'etre liée à Al Quaïda dont elle aurait relayé les vidéos après le 11 septembre 2001. En 2011, son existence s'est quelque peu banalisée. Avec Al Jazeera en anglais, on la voit même pénétrer le marché américain (présente dans les premiers DMA, elle annonce 5 millions d'abonnés en décembre 2011). Al Jazeera en anglais compterait, selon la chaîne, 250 millions d'abonnés dans le monde (décembre 2011). De plus, Al Jazeera prend une place de plus en plus importante dans le football français (non sans réticences locales).
Al Jazeera, chaîne d'Etat, est lancée en 1996 par l'émirat de Qatar, auquel elle appartient. Contrairement aux autres chaînes pan-arabes (off-shore) qui diffusent des programmes de divertissement depuis l'Europe, Al Jazeera diffuse de l'information internationale en continu depuis Qatar (on-shore). Elle émet une diversité, relative, de points de vue politiques, culturels ou religieux et met fin au monopole saoudien dans les médias arabophones (groupes Orbit, Rotana, MBC, ART). Al Jazeera constitue désormais un groupe diversifié d'une dizaine de chaînes (sport, politique, information continue, enfant, documentaires). Du côté français, Lagardère participe au développement de Al Jazeera Children (JCC). Depuis 2011, Al Jazeera Sport est désormais un acteur essentiel du football français, allant sur les brisées de TF1 et Canal + : le groupe a répondu à l'appel d'offre pour les droits audiovisuels de la Ligue 1 de football (LFP, 2012-2016) qu'il a gagnés, il a également gagné les droits de la Ligue des Champions (2012-2015, UEFA). De plus, Al Jazeera Sport a repris l'équipe de football professionnel du PSG qui passe sous contrôle qatari (70%). Al Jazeera, fort de ces actifs, lancerait une chaîne de sport en France en 2012.
La une d'un hebdomadaire sportif 11 juillet 2011 |
L'ouvrage de Claire-Gabrielle Talon, arabisante, est issu d'une thèse de sciences politiques, soutenue en 2006. L'essentiel des résultats proviennent d'analyses d'entretiens avec des cadres et journalistes de la chaîne ainsi que d'analyses de contenu des émissions diffusées par la chaîne. Outre une description méticuleuse de l'environnement et de la dépendance économique de la chaîne (Qatar, "Etat rentier", dont l'économie est fondée sur le pétrole et le gaz, etc.), elle laisse entrevoir les rouages politiques de la dynastie qatarie (clientèlisme, oligarchie, religion). Elle dégage ainsi l'originalité et le paradoxe de cette chaîne pluraliste émanant d'une nation qui ne l'est pas. Etudiant les discours de la chaîne, l'auteure les replace dans le cadre global des théories du discours journalistique et de leur histoire occidentale, invitant à élargir la réflexion sur des questions telles que l'objectivité, l'internationalisation, le rôle de la langue...
Cette étude approfondie du cas Al Jazeera débouche ainsi sur une réflexion plus générale sur les médias. Livre rafraîchissant, important pour désethnocentriciser notre vision tellement réductrice des médias télévisuels et du journalisme. Comment, dans cette perspective, se distingue, par exemple, France 24, qui émet aussi en arabe ?
Depuis la publication de cet ouvrage, le directeur d'Al Jazeera a démissionné (septembre 2011) suite à des révélations de Wikileaks sur des pressions qu'il aurait effectuées pour maintenir une ligne éditoriale ne gênant pas trop les Etats-Unis (cf. l'article du New York Times).
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jeudi 14 juillet 2011
Sociologie des réseaux sociaux. L'ancienne et la moderne
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Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2ème édition 2011, 125 p. Biblio.
La notion de réseau social n'a pas attendu MySpace, Facebook, Foursquare, Twitter, YouTube ou Google+. C'est la première leçon de ce manuel qui nous renvoie aux auteurs clés de ce domaine : Georg Simmel (géométrie du monde social), Jacobs Levy Moreno (sociométrie), Stanley Milgram. Il nous renvoie aux approches sociologiques et ethnologiques (trop peu) des réseaux sociaux. De là, on passe aux ressources qu'apportent à l'analyse des réseaux la théorie des graphes (dont est issue la notion de social graph) et le calcul matriciel (Katz, Festinger). Etapes indispensables, peut-être les plus prometteuses. Ensuite, l'auteur traite de la sociabilité et du capital social, de l'amitié, de la réputation, notions exploitées plus ou moins rigoureusement par la pratique publicitaire. Exposition claire, rigoureuse, sans charabia, servie par des illustrations également claires et une bibliographie choisie, riche mais qui devrait être hiérarchisée pour être tout à fait utile.
Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2ème édition 2011, 125 p. Biblio.
La notion de réseau social n'a pas attendu MySpace, Facebook, Foursquare, Twitter, YouTube ou Google+. C'est la première leçon de ce manuel qui nous renvoie aux auteurs clés de ce domaine : Georg Simmel (géométrie du monde social), Jacobs Levy Moreno (sociométrie), Stanley Milgram. Il nous renvoie aux approches sociologiques et ethnologiques (trop peu) des réseaux sociaux. De là, on passe aux ressources qu'apportent à l'analyse des réseaux la théorie des graphes (dont est issue la notion de social graph) et le calcul matriciel (Katz, Festinger). Etapes indispensables, peut-être les plus prometteuses. Ensuite, l'auteur traite de la sociabilité et du capital social, de l'amitié, de la réputation, notions exploitées plus ou moins rigoureusement par la pratique publicitaire. Exposition claire, rigoureuse, sans charabia, servie par des illustrations également claires et une bibliographie choisie, riche mais qui devrait être hiérarchisée pour être tout à fait utile.
- N.B. La bibliographie des ouvrages de sciences sociales - et des thèses, qui sont le modèle - s'en tiennent à des modalités d'exposition anachroniques, selon l'ordre alphabétique, alors qu'il faudrait, au moins, y ajouter une présentation sous forme graphique, indiquant des itinéraires de lecture. La bibliographie n'a pas encore intégré l'existence du Web et des moteurs de recherche. Patience !
- Le fonctionnement de ces réseaux, leur évolution ("implicit social graph", social CRM, Facebook connect, etc.) ne sont qu'à peine effleurés, leur diversité et leurs interactions non expliquées (quel rapport entre Facebook, Twitter, Linkedin, YouTube, etc.).
- L'exploitation publicitaire et la place des marques ne sont pas évoquées, or elles jouent un rôle primordial dans les valorisations boursières, les levées de fonds, le financement même de ces réseaux. Comment comprendre sans cela la bataille technologico-économique formidable où s'affrontent, notamment, Google et Facebook ?
- Comment comprendre l'échec de réseaux fondés sur la musique (MySpace, Ping) malgré le soutien de groupes puissants (News Corp., Apple) ? En quoi YouTube est-il un réseau social ? Pandora, Shazam ?
- Quel rôle joue le mobile dans ces réseaux (qu'il s'agisse d'applis ou de fonctionalités comme Unsocial) ?
- Quel est le métier de "community manager", au sens où l'on a parlé de "métier de sociologue" ?
- Que se passe-t-il, et comment, dans ce domaine en Asie ? Notre sociologie est entièrement dédiée à l'univers occidental, dominé par la culture de recherche développée par les universités américaines. Dommage, pour une discipline qui a souvent fait de l'ethnocentrisme l'objet de ses recherches et de ses dénonciations.
Manifestement, la sociologie est plus à l'aise dans l'histoire que dans la compréhension du présent en train de se faire. Faut-il toujours traiter les faits sociaux comme des choses, qu'est-ce qu'une sociologie qui n'est pas une économie ? Tout se passe comme si la recherche universitaire se trouvait, vis à vis des réseaux sociaux numériques et des entreprises qui les développent, dans la même situation que les agences de publicité : démunies devant des entreprises totales, protéiformes qui détiennent, par construction, le monopole des données et, les analysant en continu, dévaluent toutes tentatives d'analyses exogènes, analyses toujours déjà en retard, condamnées à ne comprendre le changement social qu'à son crépuscule. Un peu d'épistémologie pourrait-il éclairer ces questions ? La sociologie décidément a bien du mal avec les médias. Absence de pratique ?
En conclusion, malgré ses inévitables limites (l'auteur en pointe plusieurs lui-même), cet ouvrage constitue une indispensable propédeutique à la compréhension des réseaux sociaux issus du Web. C'est un bon outil pour qui travaille sur le marché publicitaire des données personnelles : il contrebalancera, par son rappel des concepts premiers, les approximations qu'imposent l'urgence de la pratique et du commerce, et les changements incessants de ces domaines.
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En conclusion, malgré ses inévitables limites (l'auteur en pointe plusieurs lui-même), cet ouvrage constitue une indispensable propédeutique à la compréhension des réseaux sociaux issus du Web. C'est un bon outil pour qui travaille sur le marché publicitaire des données personnelles : il contrebalancera, par son rappel des concepts premiers, les approximations qu'imposent l'urgence de la pratique et du commerce, et les changements incessants de ces domaines.
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dimanche 10 juillet 2011
Maïakovski, poète de la publicité russe
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Maïakovski, Rodtchenko, Choix de poèmes et traductions du russe, Henry Deluy, Illustrations d'Alexandre Rodtchenko, Paris, Le Temps des cerises, 2011, 324 p.
Poète futuriste russe, bolchévik (1893-1930). Sa relation à l'Etat soviétique est complexe : favorable mais, révolutionnaire, anticonformiste, il ne supporte pas la politique soviétique d'enrégimentement des artistes ; il critique férocement la bureaucratie, l'abus de réunions ("Ceux qui siègent"), la soumission au "goût public", aux habitudes. En même temps qu'il dirige la revue LEF (Front Gauche de l'Art) qui réunit Pasternak, Babel, Eisenstein, Rodtchenko, Meyerhold, entre autres, Maïakovski rédige des slogans publicitaires, rimés parfois, pour des grands magasins, pour divers produits (bière, édition, bonbons, chaussures, etc.), et, notamment, pour les affiches de l'agence de presse Rosta. "Moi, j'ai appris l'alphabet avec les enseignes" ("J'aime"), écrira-t-il. La publicité participe de la transformation culturelle d'une société.
Dans sa poésie, comme dans ses slogans, se manifeste une recherche d'écriture et de graphisme (le texte est aussi une image) pour réveiller la perception, donc la pensée. Maïakovski milite avec les formalistes comme Roman Jakobson et Victor Chklovski. Il revendique l'effet oral de la poésie ("et la prose me rend muet"), de la versification ("Je taille // Mes cris pour y gagner des vers") et donne fréquemment des lectures publiques de ses poèmes (il en fera au Café Voltaire, à Paris, auxquelles assisteront Louis Aragon avec Elsa Triolet, amie de longue date de Vladimir Maïakovski).
Cette sélection de poèmes est servie par une illustration rare (elle pourrait être mieux légendée) qui fait appréhender une volonté de défaire les modes d'expression traditionnels pour faire entendre des voix nouvelles. Les illustrations soulignent la place accordée alors à l'expression publicitaire comme laboratoire de la communication.
Dans la poésie de Maïakovski, surgissent le téléphone et ses usages ("J'ai heurté de mes lèvres l'enfer du téléphone", "De ça"). Sa poésie, futuriste, célèbre les nouveaux médias (affiches imprimées, télégraphe, téléphone), les machines et de leur rythme (sirènes, roues), les locomotives, les aéroplanes, les tramways électriques, les grands immeubles. Modernité industrielle (l'acier, l'électricité) qui saisira aussi Guillaume Apollinaire, Dziga Vertov, Edgar Varese, Serge Essenine... Apologie logique et esthétique du linéaire, des colonnes, de la vitesse, de l'ordre alphabétique (la nouvelle politique économique, NEP, révérait Taylor et Ford, alors que Chaplin fut plus lucide dans Les Temps modernes). Les "sociétés industrielles", même léninistes, élaborent les fondements de cultures mécaniques, cultures que secouera et digérera le numérique, un siècle plus tard.
Note :
Sur la taylorisation de la culture, des procès de travail, le rôle du chemin de fer, de l'électricité, etc. voir, de Robert Linhart, Lénine, Les paysans, Taylor, Paris, Seuil, 1976, 220p. 17 €
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Maïakovski, Rodtchenko, Choix de poèmes et traductions du russe, Henry Deluy, Illustrations d'Alexandre Rodtchenko, Paris, Le Temps des cerises, 2011, 324 p.
Publicité pour les éditions d'Etat et pour une bière (o.c. p. 187) |
Dans sa poésie, comme dans ses slogans, se manifeste une recherche d'écriture et de graphisme (le texte est aussi une image) pour réveiller la perception, donc la pensée. Maïakovski milite avec les formalistes comme Roman Jakobson et Victor Chklovski. Il revendique l'effet oral de la poésie ("et la prose me rend muet"), de la versification ("Je taille // Mes cris pour y gagner des vers") et donne fréquemment des lectures publiques de ses poèmes (il en fera au Café Voltaire, à Paris, auxquelles assisteront Louis Aragon avec Elsa Triolet, amie de longue date de Vladimir Maïakovski).
Cette sélection de poèmes est servie par une illustration rare (elle pourrait être mieux légendée) qui fait appréhender une volonté de défaire les modes d'expression traditionnels pour faire entendre des voix nouvelles. Les illustrations soulignent la place accordée alors à l'expression publicitaire comme laboratoire de la communication.
Dans la poésie de Maïakovski, surgissent le téléphone et ses usages ("J'ai heurté de mes lèvres l'enfer du téléphone", "De ça"). Sa poésie, futuriste, célèbre les nouveaux médias (affiches imprimées, télégraphe, téléphone), les machines et de leur rythme (sirènes, roues), les locomotives, les aéroplanes, les tramways électriques, les grands immeubles. Modernité industrielle (l'acier, l'électricité) qui saisira aussi Guillaume Apollinaire, Dziga Vertov, Edgar Varese, Serge Essenine... Apologie logique et esthétique du linéaire, des colonnes, de la vitesse, de l'ordre alphabétique (la nouvelle politique économique, NEP, révérait Taylor et Ford, alors que Chaplin fut plus lucide dans Les Temps modernes). Les "sociétés industrielles", même léninistes, élaborent les fondements de cultures mécaniques, cultures que secouera et digérera le numérique, un siècle plus tard.
Note :
Sur la taylorisation de la culture, des procès de travail, le rôle du chemin de fer, de l'électricité, etc. voir, de Robert Linhart, Lénine, Les paysans, Taylor, Paris, Seuil, 1976, 220p. 17 €
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samedi 9 juillet 2011
La télévision, des habitudes pour la vie ?
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Erk Simon Dina Hammelsheim, Peter H. Hartmann, "Das Fernsehprogramm - Ein Freund fürs Leben ? ", Media Perspektiven, 3, 2011, pp. 139-146 (traduction du titre : l'émission de télévision - un ami pour la vie ?)
Que reste-t-il de la fréquentation de la télévision ? Les goûts acquis au cours de l'enfance et de l'adolescence télévisuelles perdurent-ils au-delà de ces âges pour structurer nos consommations télévisuelles d'adultes ? Combien de temps restons-nous des "enfants de la télé" ? La problématique est connue, elle court dans toutes les analyses de consommations de média : quel est le rôle de la génération, quel est celui de l'âge ?
Pour le savoir, des chercheurs (université, télévision publique) ont approché l'effet de cohorte à partir de données audimétriques de GfK extraites parmi celles des années 1993 à 2010 (GfK gère et exploite le panel pour la mesure des audiences télé en Allemagne). La génération la plus ancienne est des personnes nées avant 1926. Sept groupes d'âge de personnes de 14 ans et plus ont été construits prenant pour variables de contrôle des informations socio-démographiques (sexe, formation scolaire, statut professionnel) ainsi que l'étendue de la réception télévisuelle (câble, satellite, terrestre).
Résultats principaux
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Erk Simon Dina Hammelsheim, Peter H. Hartmann, "Das Fernsehprogramm - Ein Freund fürs Leben ? ", Media Perspektiven, 3, 2011, pp. 139-146 (traduction du titre : l'émission de télévision - un ami pour la vie ?)
Que reste-t-il de la fréquentation de la télévision ? Les goûts acquis au cours de l'enfance et de l'adolescence télévisuelles perdurent-ils au-delà de ces âges pour structurer nos consommations télévisuelles d'adultes ? Combien de temps restons-nous des "enfants de la télé" ? La problématique est connue, elle court dans toutes les analyses de consommations de média : quel est le rôle de la génération, quel est celui de l'âge ?
Pour le savoir, des chercheurs (université, télévision publique) ont approché l'effet de cohorte à partir de données audimétriques de GfK extraites parmi celles des années 1993 à 2010 (GfK gère et exploite le panel pour la mesure des audiences télé en Allemagne). La génération la plus ancienne est des personnes nées avant 1926. Sept groupes d'âge de personnes de 14 ans et plus ont été construits prenant pour variables de contrôle des informations socio-démographiques (sexe, formation scolaire, statut professionnel) ainsi que l'étendue de la réception télévisuelle (câble, satellite, terrestre).
Résultats principaux
- Pour la durée globale de consommation, l'effet de cohorte est faible tandis que l'effet d'âge ("Alterseffekt") est fort. La durée de télévision consommée (die Fernsehnutzungdauer) augmente régulièrement avec l'âge. Ensuite, parmi les variables, la variable scolaire joue un rôle majeur : plus forte la formation scolaire, plus faible la durée de consommation télévisuelle. Le statut professionnel joue de la même manière, les personnes employées à plein temps hors de la maison regardent moins de télévision. Contrairement aux préjugés courants, ces deux résultats sont indifférents au sexe des personnes. L'effet de l'étendue de l'offre de programmes est faible.
- Lorsque, de la durée globale, on passe aux émissions de variétés (Volksmusiksendungen), l'effet de cohorte (la génération) l'emporte sur l'effet d'âge.
- Effet qu'ont célébré Claude François ("Cette année là") ou Laurent Voulzy (Rockcollection), Bénabar (Maritie et Gilbert Carpentier) et Jane Birkin ("Ex-fan des Sixties"). Les goûts et dégoûts musicaux, et la propagation de la nostalgie qui s'en suit, doivent presque tout à la génération. Comme le chantent les Carpenters à propos de la radio "Its yesterday once more"...
- Pour une émission donnée, "Tatort" par exemple, série policière (Krimireihe) de 90 minutes diffusée par la première chaîne allemande (ARD, dimanche 20H15) depuis 1972, l'effet de cohorte est faible et l'effet d'âge l'emporte.
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dimanche 3 juillet 2011
Pixar, phénoménologie de l'esprit numérique
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Hervé Aubron, Le génie Pixar, Editions Capricci, 2011, 96 pages
David A. Price, The Pixar Touch. The making of a company, 2008, 296 pages
Voici d'abord un tout petit livre, précieux, écrit par Hervé Aubron, spécialiste de cinéma. Son objet : la culture développée par les studios Pixar, installés dans le désert de l'Utah, chez les Mormons. Selon la culture Pixar, culture que l'on dira numérique, faute de mieux, l'ordinateur est l'outil primordial de création et de travail. Dans la science fiction qui sous-tend la métaphysique implicite des films de Pixar, les robots (les ordinateurs) s'emparent du pouvoir déchaîné par de vagues apprentis sorciers (référence à Disney, 1940). Tout se passe comme si l'on assistait à un dialogue hommes-machines mis en scène dans un film dont l'auteur serait un ordinateur.
L'auteur, qui sait son Pixar par coeur, surestime souvent son lecteur, évoquant plus que citant, maniant l'allusion de manière vertigineuse. Une seule lecture n'y suffit pas pour tout saisir.
Pixar, rappelons le, ce sont onze films d'animation, des prouesses technologiques d'imagerie numérique (computer graphics), des millions d'entrrées en salles : "Toy Story" (1995, 1999, 2010), "A Bugs Life" (1998), "Monsters, Inc." (2001), "Finding Némo" (2003), "The Incredibles" (2004), "Ratatouille" (2007), "Wall-E" (2008), "Cars" (2006), "Up" (2009). Ce sont aussi des messages publicitaires, des logos, et surtout beaucoup de "technologie au service de l'art" ("The Technology behind the Art") dont le fameux RenderMan indispensable pour le rendu des personnages.
Hervé Aubron renvoie, pour la matière première de son analyse, au livre de David E. Price sur la formation de Pixar. David E. Price raconte l'histoire de Pixar, de Lucasfilm au rachat par Steve Jobs (1986) puis par Disney (2006). Et cet essai documentaire s'avère un roman historique passionnant. On y aperçoit, sans que cela soit théorisé, les forces en présence : les universités et les recherches (doctorants, professeurs), les laboratoires de grandes entreprises (Boeing, Xérox, etc.) qui vont fournir les acteurs. Et puis, bien sûr, Apple et Disney. Le livre est traversé par des personnages impressionnants, tétus, voyants, créatifs, parmi lesquels, Steve Jobs. Pixar est souvent retenu comme un modèle de gestion de l'invention progressive ("little bets", cf. l'ouvrage de Peter Sims).
Une fois digérée cette histoire grâce à David E. Price, on peut revenir à Hervé Aubron et goûter son analyse. Dès lors, son travail se révèle un rare livre de philosophie des médias numériques, où Disney et Kubrick, et plus encore Renderman, sont des "théories matérialisées". Cette phénoménologie que parcourt l'Esprit numérique, du premier Disney à chacun des films successifs de Pixar, figure du Savoir Absolu, est souvent succulente, toujours grinçante. Travail stimulant, difficile où il faut suivre l'auteur qui finit par confronter Walter Benjamin avec les personnages du monde selon Pixar : "Le capitalisme est un grand dessin animé : il fait comme si les marchandises étaient mues par une vie propre". De quoi penser mieux le numérique au cinéma et rompre avec tant de célébrations fadasses et béates, cette "nuit où toutes les vaches sont noires". Et relire d'un autre oeil le "Livre 1" du Capital sur le fétichisme de la marchandise !
Hervé Aubron, Le génie Pixar, Editions Capricci, 2011, 96 pages
David A. Price, The Pixar Touch. The making of a company, 2008, 296 pages
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L'auteur, qui sait son Pixar par coeur, surestime souvent son lecteur, évoquant plus que citant, maniant l'allusion de manière vertigineuse. Une seule lecture n'y suffit pas pour tout saisir.
Pixar, rappelons le, ce sont onze films d'animation, des prouesses technologiques d'imagerie numérique (computer graphics), des millions d'entrrées en salles : "Toy Story" (1995, 1999, 2010), "A Bugs Life" (1998), "Monsters, Inc." (2001), "Finding Némo" (2003), "The Incredibles" (2004), "Ratatouille" (2007), "Wall-E" (2008), "Cars" (2006), "Up" (2009). Ce sont aussi des messages publicitaires, des logos, et surtout beaucoup de "technologie au service de l'art" ("The Technology behind the Art") dont le fameux RenderMan indispensable pour le rendu des personnages.
Hervé Aubron renvoie, pour la matière première de son analyse, au livre de David E. Price sur la formation de Pixar. David E. Price raconte l'histoire de Pixar, de Lucasfilm au rachat par Steve Jobs (1986) puis par Disney (2006). Et cet essai documentaire s'avère un roman historique passionnant. On y aperçoit, sans que cela soit théorisé, les forces en présence : les universités et les recherches (doctorants, professeurs), les laboratoires de grandes entreprises (Boeing, Xérox, etc.) qui vont fournir les acteurs. Et puis, bien sûr, Apple et Disney. Le livre est traversé par des personnages impressionnants, tétus, voyants, créatifs, parmi lesquels, Steve Jobs. Pixar est souvent retenu comme un modèle de gestion de l'invention progressive ("little bets", cf. l'ouvrage de Peter Sims).
Une fois digérée cette histoire grâce à David E. Price, on peut revenir à Hervé Aubron et goûter son analyse. Dès lors, son travail se révèle un rare livre de philosophie des médias numériques, où Disney et Kubrick, et plus encore Renderman, sont des "théories matérialisées". Cette phénoménologie que parcourt l'Esprit numérique, du premier Disney à chacun des films successifs de Pixar, figure du Savoir Absolu, est souvent succulente, toujours grinçante. Travail stimulant, difficile où il faut suivre l'auteur qui finit par confronter Walter Benjamin avec les personnages du monde selon Pixar : "Le capitalisme est un grand dessin animé : il fait comme si les marchandises étaient mues par une vie propre". De quoi penser mieux le numérique au cinéma et rompre avec tant de célébrations fadasses et béates, cette "nuit où toutes les vaches sont noires". Et relire d'un autre oeil le "Livre 1" du Capital sur le fétichisme de la marchandise !
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