mardi 25 juin 2019

Claude Debussy à la plage


On notera que Claude Debussy est en tenue de
ville et tient à la main l'appareil photos
Rémy Campos, Debussy à la plage, Editions Gallimard, Bibliographie et présentation du disque Claude Debussy 2011, hem, Hes.so, Gallimard.

C'est assurément un très beau livre qu'a réussi Gallimard avec cet ouvrage qui suit le musicien en vacances familiales à Houlgate, durant le mois d'aôut 1911. Un mixte est offert aux lecteurs, qui mêle, à de très nombreuses cartes postales de l'époque, des images de Chouchou, la petite Claude-Emma Debussy qui alors a dix ans. Le public et le privé.
Claude Debussy photographie un peu sa famille, sa femme et sa fille. Il n'est pas, semble-t-il, comme le sera Marcel Proust, très intéressé par le cadre socio-démographique ou, du moins, ne le laisse pas deviner. La demande sociologique lui échappe, ou, en tout cas, tout se passe comme s'il ne l'entendait pas.

L'ouvrage se veut historiographique, montrant, de photos en photos, et surtout de cartes postales en cartes postales, la vie quotidienne à la plage et comment la vivent les personnages engagés dans cette vie quotidienne, qui a ses rites et ses usages. La plage met en scène des touristes, elle ne montre pas - ou très peu - ceux qui font la vie de la plage, des restaurants, ceux pour qui elle est est un lieu de travail...

Le plan de l'ouvrage est serré : on commence par la plage puis la digue-promenoir, avant de traiter du casino, puis du grand hôtel. Voilà pour les vacances à Houlgate, et cette plage que Le Figaro décrit comme "si aristocratique et si mondaine". Ensuite, il sera question du retour "à la maison". Les photographies montrent, dans l'un et l'autre cas, une vie classique, banale, et qui omet les moments privés. La vie courante fait place à des poses banales de parents. Surtout, on n'entre pas à l'étage, dans les chambres. Le privé, c'est vraiment privé.
La sociologie qui domine l'ouvrage est discrète mais têtue. L'auteur, Rémy Campos, qui enseigne au Conservatoire National de Paris et à la Haute Ecole de Musique de Genève, se veut précis et met en évidence les limites du genre que pratique le livre. Les lecteurs ont tout à y gagner. Au total : un très beau livre.

Le disque qui accompagne l'ouvrage donne une idée de l'oeuvre musicale du moment. Il est dommage de devoir se contenter de ce CD, qui demande des manipulations de moins en moins efficaces, et qui mérite commentaire.

mardi 11 juin 2019

Romain Gary, écrivain indompté


Maxime Decout, Album Romain Gary, Paris Gallimard, 243 p., Index

Le voilà en Pléiade, enfin. 1914 -1980.
Il lui aura fallu près de quarante années après son décès.
Le petit garçon de Vilnius, ville autrefois pieuse de Lituanie, ne cessera pas d'aller de par le monde pour finir en France, où "la nuit sera calme". Heureuse promesse !
Ce roman est donc une biographie de Roman Kacew ; elle nous conduit, lecteurs mal à l'aise, de l'enfance de Romain Gary à son suicide, fin 1980. Entre temps, que de livres, que d'essais... Né dans l'empire russe, sous le nom de רומן קצב (en yiddish) ou Рома́н Ле́йбович Ка́цев, Roman Leibovich Katsev, en russe.

Poète francophile : "regardez un pays que vous ne connaissez pas dans les yeux de votre mère, apprenez-le dans son sourire et dans sa voix émerveillée". Il est né le 8 mai 1914.
A vingt et un ans, Roman Kacew deviendra citoyen français. Il intègre alors l'Ecole de l'Air de Salon-de-Provence et fuit immédiatement une France pétainiste et collaboratrice pour la Résistance gaullienne ; cela se terminera par Education européenne, en1945. De là, il intègre le Quai d'Orsay puis le Conseil de Sécurité des Nations Unies (New York), institution hélas "dévorée par le cancer nationaliste" ; de là, encore, il occupe le poste de consul général de France à Los Angeles où il fréquente le tout-Hollywood et rencontre Jean Seberg.
Il reçoit le prix Goncourt pour Les Racines du ciel en décembre 1956.

En 1958, Romain Gary reprend du service pour le Général de Gaulle puis il écrit un roman en anglais, Lady L. Auto traduction ? En 1960, Romain Gary publie Promesse de l'aube, récit autobiographique où l'on comprend que le personnage de sa mère est central : "Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tiendra jamais" : la vie ne sera plus dès lors que désenchantements... Jean Seberg prendra la place. Viennent alors les trois romans du cycle Frère Océan : Pour Sganarelle, La Danse de Gengis Cohn et La Tète coupable. La situation avec Jean Seberg se complique, et ils divorcent.
1974, année clef : sous les noms de Romain Gary, de François Bondy, de Shatan Bogat et de Emile Ajar paraissent quatre ouvrages du même auteur. Enfin, le 17 novembre 1975, La Vie devant soi se voit à nouveau attribuer le prix Goncourt, près de vingt ans après Les Racines du ciel.
Et Romain Gary décide de mourir, le 2 décembre 1980, il y aura bientôt quarante ans.

Le livre raconte les vies de Romain Gary. On s'y perd, d'ailleurs. Tellement d'engagements, de gags, d'activités, d'échecs, et de réussites : mais on ne saurait gagner à tous les jeux, il faut savoir perdre, aussi. Ce livre est un mode d'emploi : comment devenir autre, sans changer vraiment.
"Tous mes livres sont nourris de ce siècle jusqu'à la rage", prévient-il.