Vincent Haegele, Frédéric Bey, Nicola Guillerat, Infographie de l'empire napoléonien, Paris, Passés / Composés, 158 p., 29 €
Pour mieux comprendre l'histoire du premier empire, et, surtout peut-être comprendre que l'on est loin de tout savoir, ce livre est essentiel. Il se compose de quatre parties : tout d'abord, "le pouvoir, l'Empire et les institutions", ensuite "la Grande Armée et la Marine impériale, puis "la guerre et les coalitions" et enfin "la chute".Son principe est le recours à une présentation infographique des données essentielles de l'Empire : les personnages, les armements, les batailles, les navires, les communications, les nourritures, tout est passé en revue et mis en forme simplifiée, schématique pour bien faire voir. Hélàs, il faut du temps au lecteur pour comprendre la légende des. schémas, mais sur de nombreux aspects, ce type de présentation donne à voir les particularités d'une époque.
Les chapitres techniques décrivent l'armement des troupes. Ainsi l'artillerie hérite d'une réforme lancée par Louis XVI et mise en oeuvre par Gribeauval (1765) : obusiers, mortiers et canons sont décrits précisément avec la portée des boulets et des boîtes à mitraille. Ensuite, l'ouvrage décrit les effets des tirs d'artillerie qui provoquent des blessures graves, directement ou par rebond
Le corps du génie est expliqué ainsi que son évolution ; il s'illustrera lorsque l'armée napoléonienne franchira les eaux glacées de la Bérézina durant la retraite de Russie. La Garde impériale, qui sera massacrée à Waterloo, était composée de troupes aguerries : les schémas la décrivent ainsi que son évolution durant l'Empire. Un chapitre est consacré au service de santé, qui soigne également les ennemis blessés ; ce service se compose de 5 000 médecins, pharmaciens et chirurgiens. C'est dans ce chapitre, uniquement, qu'il est fait allusion aux femmes de la Grande Armée (p. 90) : les vivandières qui s'occupent de la nourriture et les blanchisseuses, mais on n'apprend presque rien d'elles et c'est dommage ! La marine impériale est décrite en détail, elle est inférieure en compétence et en moyens à la flotte britannique.
Un chapitre traite des chevaux ; dans ce domaine aussi, Napoléon est l'héritier de l'ancien régime avec les écoles de Lyon et d'Alfort. La campagne de Russie sera sur ce plan catastrophique : 157 000 chevaux franchissent le Niemen à l'aller mais seulement 5 000 au retour, il n'y a donc pas de transport des pièces d'artillerie, qui restent en Russie, dans la neige. L'Espagne et la Russie seront les tombeaux de la Grande armée. Au total, on convient d'un calcul de 700 000 morts pour les 15 années napoléoniennes. L'ouvrage s'achève par le congrès de Vienne qui défait les gains de la Révolution et de l'Empire.
Au total, voici un ouvrage intéressant qui traite de l'Empire avec une infographie de qualité. Ce qui ne veut pas dire qu'il soit très facile à lire. Les lecteurs que passionne cette période apprendront beaucoup. J'ai retenu, par exemple, la part de l'héritage de la monarchie dans l'armement, le désastre militaire que représente les chevaux morts pendant la guerre de Russie, la lenteur des communications ; le télégraphe optique de Chappe, 1791, est encore limité dans ses utilisations : il faudra huit jours pour que soit connue à Paris la victoire de Napoléon à Austerlitz. Ce livre constitue assurément un outil original pour comprendre l'Empire et pour le rendre plus simple en défaisant les mythes. Napoléon ne fut pas l'esprit du monde à cheval comme l'avait vu Hegel à Iena ("diese Weltseele"), il fut moins que cela pour l'histoire de l'Europe et bien plus pour ses contemporains. Et les élèves de toutes les classes scolaires apprendront de nombreux aspects mal connus de l'Empire au moyen de ces schémas. Car la technique de présentation est souvent convaincante, mais le commentaire reste important pour que l'on perçoive bien ce qu'il faut voir, car il ne suffit pas de montrer. La démonstration est le produit des deux approches.