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mardi 30 avril 2024

Walter Benjamin, sa vie

Jean Lacoste, Walter Benjamin. Enfance, passages, exil, Paris, Editions Bartillat, 2023, 290 p. Chronologie, Index

Ce sont quelques étapes, mais parmi les plus importantes et les plus révélatrices de la vie de Walter Benjamin explorées par un germaniste à partir de quelques uns de ses textes : celui sur son enfance à Berlin (Berliner Kindheit um Neunzehnhundert), sur Charles Baudelaire, sur les passages des rues de Paris (Das Passagen-Werk, en français, Paris, capitale du XIXe siècle), sur le Goethe de la Théorie des couleurs, de Poésie et vérité (Dichtung und Wahrheit) et de Wilhelm Meister, et, enfin, des articles concernant la période de l'exil de Walter Benjamin et sur sa relation à Ernest Bloch. 

L'ouvrage se termine par une chronologie de la vie de Walter Benjamin, de sa naissance à Berlin (le 15 juillet 1892) jusqu'à sa mort, par suicide, le 26 septembre1943 dans une chambre d'hôtel à la frontière franco-espagnole (Port-Bou). 

Voici donc bout à bout quelques travaux de Jean Lacoste, normalien, traducteur de Goethe, de Nietzsche et de Walter Benjamin. L'ensemble est en apparence disparate mais une unité apparaît bientôt dans l'oeuvre de Walter Benjamin, re-construite par les approches de Jean Lacoste qui sait habilement mêler les itinéraires de Walter Benjamin, les emmêler puis les démêler, ramener sans cesse à l'enfance berlinoise puis à certaines oeuvres de Goethe, puis aux "Passages" parisiens. Le travail qui montre ainsi l'unité de l'oeuvre est convaincant et la lecture est passionnante. Le livre de Jean Lacoste démontre méticuleusement les méthodes et les outils de Walter Benjamin.

samedi 6 avril 2024

Baudelaire, observateur et poète parisien

Jean-Michel Maulpoix, Charles Baudelaire, l'homme des foules, 2024, Pocket Agora, 330 p., 9,7 €

Charles Baudelaire, encore ? Oui, et c'est bien, car Jean-Michel Maulpoix a réalisé un travail intéressant en escortant Baudelaire dans Paris. Chemin faisant, il nous fait lire ou relire les oeuvres de Charles Baudelaire avec un point de vue quelque peu nouveau. Le titre d'abord : "l'homme des foules" qui reprend le titre d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe, 'The Man of the Crowd", publiée en 1840, la première des Mysteries, et qui fut traduite en français par Charles Baudelaire. Ce titre donne toute la tonalité de l'approche de Jean-Michel Maulpoix, qui va nous faire suivre Baudelaire dans les différents moments de sa vie, dans la très grande ville en reconstruction qu'est le Paris de la seconde moitié du XIXème siècle. Baudelaire est comme l'homme des foules, il "nage avec délices dans l'océan humain" (Etudes sur Poe).

Baudelaire aimait Paris "le paysage des grandes villes, c'est à dire la collection des grandeurs et des beautés qui résultent d'une puissante agglomération d'hommes et de monuments, le charme profond et compliqué d'une capitale âgée et vieillie dans les gloires et les tribulations de la vie" (Salon de 1859). Dans ce Paris, Baudelaire sait l'art de "prendre un bain de multitude", il "entre dans la foule comme dans un immense réservoir d'électricité" (Le peintre de la vie moderne). C'est ce mouvement perpétuel du poète dans la vie de la ville que décrit Jean-Michel Maulpoix. Ses héros sont le "chiffonnier au travail", "le vieux saltimbanque", "l'étranger", les "pauvres", "les lesbiennes", " le mauvais vitrier", "les petites vieilles"... tous ceux et celles qui peuplent le Paris où il déambule, observateur et passant.

Baudelaire est "un poète de l'intelligence" : Jean-Michel Maulpoix conclut que ce poète "nous éclaire sur nous-mêmes autant qu'il nous contraint à voir". Jean-Michel Maulpoix aime Baudelaire, homme des foules, homme des mondes modernes. "Non ! peu d'hommes sont doués de la faculté de voir ; il y en a moins encore qui possèdent la puissance d'exprimer", dit Baudelaire dans "Le Peintre de la vie moderne". Fidèle à Baudelaire, l'auteur de ce livre sait lire et il a la puissance d'exprimer ce qu'il voit, que l'on peut résumer en un mot : la modernité. Cela donne un grand livre sur Baudelaire, à lire puis à relire tout en feuilletant Baudelaire, décidément moderne.


jeudi 30 décembre 2021

Chevreuse ou Paris ? Se perdre dans un roman de Modiano

Patrick Modiano, Chevreuse, Roman, Paris, Gallimard, 2021, 159 p. 

Le roman se passe entre Paris et la vallée de Chevreuse. Il y a des voyages en voiture, depuis Boulogne-Billancourt, vers la porte Molitor, vers Auteuil puis vers la vallée de Chevreuse. Il y a aussi le café de la place Blanche, ou celui de Saint-Lazare, la terrasse vitrée du restaurant Murat, la porte d'Auteuil, la rue Pierre-Charron, la Cité universitaire, le parc Montsouris, le boulevard Jourdan, la porte d'Orléans, la gare de Lyon. Le livre n'est aussi qu'une complexe déambulation dans Paris, et, parfois, sur la côte d'Azur. 

Parfois, on a l'impression que nous manquent les éléments cartographiques qui nous aideraient à comprendre, à moins que, se perdre dans ces lieux ne fasse partie du jeu. Il y a bien un schéma dans le roman mais cela ne suffit pas. Les héros du roman que l'on lit sont aussi les héros d'un roman que l'auteur est censé écrire. Le lecteur se perd dans les saisons du roman, mélange les moments et les romans et finit par ne plus très bien savoir où le héros en est. Le lecteur est perdu, comme les personnages du roman.

L'auteur recompose ainsi le monde de son enfance, ses personnages. "Mais il eut un vertige en voyant brusquement apparaître comme sur l'écran d'un appareil de radiographie les liens qui unissaient les unes aux autres ces personnes. En quinze ans, ces liens s'étaient ramifiés et formaient avec de nouveaux venus un réseau très serré dont il faisait lui aussi partie, à son insu, comme au temps de son enfance". C'est donc un réseau social que décrit l'auteur, un réseau tel qu'il se forme dans son esprit ou tel que son esprit le forme, petit à petit.

"On est de son enfance comme on est de son pays", conclut le romancier. Patrick Modiano décrit les faits, les gestes et les pensées de son héros. Quand on a fini de le lire, il faut recommencer pour mieux comprendre. Et, recommencer encore pour bien situer les relations entre les personnages, entre les moments de l'histoire. Et le plaisir s'accroît à la relecture. C'est un très beau roman, fertile et aventureux où il fait bon se perdre puis se retrouver.