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mercredi 18 décembre 2019

Proust, encore, et toujours



Jean-Yves Tadié, Marcel Proust. Croquis d'une épopée, Paris, Gallimard, 2019, 376 p.

L'auteur de ce livre est le grand spécialiste contemporain de Marcel Proust : c'est à lui que l'on doit les quatre volumes de la dernière édition de la Recherche en Pléiade et de nombreuses études dont certaines sont présentes dans ce volume. Le titre reprend, quant à lui, celui d'un gros ouvrage sur Napoléon que l'auteur évoque à propos de son enfance.
Cinq cent personnages et des milliers de pages : la Recherche est une oeuvre immense et Jean-Yves Tadié, en grand Professeur, en évoque des moments, "l'épopée", les "croquis" et les petites histoires aussi dans cet ouvrage qui réunit une trentaine de ses contributions diverses au cours des dix dernières années : conférences, communications, interventions à des colloques, préfaces, articles parus ici ou là, dans Le Figaro ou la NRF... L'ouvrage comprend à la fois des articles fondamentaux et des articles anecdotiques, écrits en passant mais qui chacun ajoutent une note de plus au portrait infini de Proust, car on trouve de tout dans ce volume que l'on peut lire aussi en flânant, mais toujours pour mieux comprendre Proust.

L'ouvrage commence par une préface qui raconte l'entrée de Jean-Yves Tadié dans l'oeuvre de Marcel Proust car c'est une déjà vieille histoire qui remonte à ses années d'étudiant puis à sa thèse. En 1982, vient la demande de Gallimard pour une nouvelle édition, la seconde, de Marcel Proust en Pléiade, puis une biographie, puis une exposition à la Bibliothèque Nationale...
Le livre commence avec l'amitié, d'abord ; l'auteur, pourtant, après avoir répertorié des dizaines de connaissances de Proust, suppose que celui-ci ne connut véritablement que son oeuvre, et son travail créateur comme réseau d'amitiés.

Le livre va ainsi de Versailles, où Proust se réfugie après la mort de sa mère, à Cabourg, à Pompéi... On y trouve aussi Proust pianiste et les musiciens, dont Reynaldo Hahn qui fut son amant ; on y trouve aussi, bien sûr, la fameuse sonate de Vinteuil (César Franck ou/et Camille Saint-Sens ou/et Gabriel Fauré ? Un peu des trois, sans doute). Et puis voici Marcel Proust et la peinture, avec Elstir et les oeuvres de John Ruskin jusqu'au "petit pan de mur jaune" de Vermeer de Delft ; et puis, voici les tableaux de Chardin et surtout ceux de Claude Monet, son peintre préféré, mais l'on rencontre encore Paul César Helleu, Gustave Moreau et James Whistler. Combien de ces personnages sont-ils devenus des héros du musée imaginaire de Proust ?
Un article est consacré au journalisme ; il commence par un inventaire des contributions de Proust aux revues et à la presse : Le Figaro, bien sûr, mais aussi la Nouvelle revue française, la Revue blanche et des dizaines d'autres... et ce, dès l'enfance, souligne Jean-Yves Tadié. Marcel Proust se voulait journaliste. A propos de la presse, il écrira, entre autres, sur la "réalité mortelle du fait divers", sur "la misère du globe", réservant en revanche aux revues des textes plus approfondis ou les gardant pour lui, comme le "Contre Sainte-Beuve" (refusé par Le Figaro). Car Marcel Proust, et Jean-Yves Tadié le rappelle, est mal accueilli par la presse, qui, pour l'essentiel, l'ignorera. Signalons encore, dans ce livre, un article sur Baudelaire, un tout petit sur Bergson, son cousin, une préface sur Claude Debussy (cf. Claude Debussy à la plage), un texte sur Lionel Hauser, banquier et petit-cousin, un texte sur sa voisine, le commentaire de l'un des trois questionnaires de Proust, etc.
Nous trouvons dans ce livre également deux préfaces à des éditions de Gallimard : l'une à Jean Santeuil, l'autre à Un amour de Swann.

Alors, Proust aujourd'hui ? D'abord, il n'apparaît pas chez Sartre, ni Malraux et à peine chez Camus. En revanche, en chinois, en japonais et en anglais, on compte déjà trois traductions dans chacune de ces langues. Mais laissons le dernier mot à Jean-Yves Tadié : "Reste la pensée de ce roman qui n'arrête pas de penser. L'intrusion de la philosophie dans le roman en change l'interprétation : c'est la pluralité des significations qui se superpose à la singularité de l'anecdote ; c'est l'arrière-plan, et non plus le plaisir de la surface ; c'est la verticalité de la question, non l'horizontalité de l'intrigue. Le sens est infini, non l'anecdote". Le livre de littérature devient donc aussi philosophie ; parti du journalisme, Marcel Proust finit en philosophe.
Voici un ouvrage à lire pour voir Marcel Proust autrement, pour le lire mieux, le comprendre davantage.

Notons enfin que, cette semaine, le FigaroSCOPE titre "A la recherche de Marcel Proust" (cf. la photo de la une, supra) pour célébrer le centenaire de son prix Goncourt et propose une promenade dans Paris pour le retrouver.

mardi 25 juin 2019

Claude Debussy à la plage


On notera que Claude Debussy est en tenue de
ville et tient à la main l'appareil photos
Rémy Campos, Debussy à la plage, Editions Gallimard, Bibliographie et présentation du disque Claude Debussy 2011, hem, Hes.so, Gallimard.

C'est assurément un très beau livre qu'a réussi Gallimard avec cet ouvrage qui suit le musicien en vacances familiales à Houlgate, durant le mois d'aôut 1911. Un mixte est offert aux lecteurs, qui mêle, à de très nombreuses cartes postales de l'époque, des images de Chouchou, la petite Claude-Emma Debussy qui alors a dix ans. Le public et le privé.
Claude Debussy photographie un peu sa famille, sa femme et sa fille. Il n'est pas, semble-t-il, comme le sera Marcel Proust, très intéressé par le cadre socio-démographique ou, du moins, ne le laisse pas deviner. La demande sociologique lui échappe, ou, en tout cas, tout se passe comme s'il ne l'entendait pas.

L'ouvrage se veut historiographique, montrant, de photos en photos, et surtout de cartes postales en cartes postales, la vie quotidienne à la plage et comment la vivent les personnages engagés dans cette vie quotidienne, qui a ses rites et ses usages. La plage met en scène des touristes, elle ne montre pas - ou très peu - ceux qui font la vie de la plage, des restaurants, ceux pour qui elle est est un lieu de travail...

Le plan de l'ouvrage est serré : on commence par la plage puis la digue-promenoir, avant de traiter du casino, puis du grand hôtel. Voilà pour les vacances à Houlgate, et cette plage que Le Figaro décrit comme "si aristocratique et si mondaine". Ensuite, il sera question du retour "à la maison". Les photographies montrent, dans l'un et l'autre cas, une vie classique, banale, et qui omet les moments privés. La vie courante fait place à des poses banales de parents. Surtout, on n'entre pas à l'étage, dans les chambres. Le privé, c'est vraiment privé.
La sociologie qui domine l'ouvrage est discrète mais têtue. L'auteur, Rémy Campos, qui enseigne au Conservatoire National de Paris et à la Haute Ecole de Musique de Genève, se veut précis et met en évidence les limites du genre que pratique le livre. Les lecteurs ont tout à y gagner. Au total : un très beau livre.

Le disque qui accompagne l'ouvrage donne une idée de l'oeuvre musicale du moment. Il est dommage de devoir se contenter de ce CD, qui demande des manipulations de moins en moins efficaces, et qui mérite commentaire.