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lundi 10 septembre 2012

Web mobile et immobile en Allemagne

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Birgit Van Eimeren, Beate Frees, "76 Prozent der Deutschen online- neue Nutzungs-situationen durch mobile Endgeräte", Media Perspektiven 7-8 2012, S. 362-379.
Bettina Klumpe, "Geräteausstattung der Onlinenutzer", Media Perspektiven 7-8 2012, S. 391-396.

"ARD/ZDF-Onlinestudie 2012". Etude annuelle conduite par la télévision publique allemande (ARD/ZDF) auprès d'un échantillon d'internautes germanophones de 14 ans et plus (environ 1 250 personnes interrogées chaque année) depuis 1997. Le questionnaire comporte une part fixe, établie depuis la première enquête, qui assure une comparabilité partielle ; à cela s'ajoute une part variable pour prendre en compte les innovations. Sur cette enquête, voir : "15 jahre Onlineforschung bei ARD und ZDF", par Bettina Klumpe, Media Perspektiven 7-8 2011, S. 370-376
Nous n'évoquerons ici des résultats produits que ce qui est consacré à la place nouvelle que conquièrent rapidement les supports mobiles dans la consommation des médias numériques.

L'équipement en mobilité est généralisé, dépassant tous les équipement de communication. L'étude met en évidence la croissance de l'utilisation de supports mobiles pour accéder au Web (23% des internautes) et, corrélativement, la croissance de l'utilisation des applis (déjà 24% d'utilisateurs).
Bien sûr, comme souvent au début de la diffusion d'une nouvelle technologie, ce sont les plus jeunes qui sont le plus aisément convertis à l'Internet mobile (45% des internautes de 14-29 ans en 2012) ; le mobile est déclaré indispensable pour accéder au Web (unverzichtbar) par 26 % d'entre eux.
Croissance de l'utilisation en déplacement (unterwegs) : 23% des des internautes déclarent se connecter au Web en mobilité (84% d'entre eux le font avec un smartphone).
Confirmation que le smartphone l'emportera bientôt comme outil de connection Internet avec toutes les conséquences que l'on peut commencer à observer quant aux modalités d'utilisation du Web (cf. La révolution de l'économie du Web).
Les médias lourds, encombrants sont d'abord des médias du domicile (téléviseur, ordinateur) et du confort de consommation. Le smartphone est le média de la mobilité, de l'indépendance à l'égard des lieux. La tablette, dont le "lieu" n'est pas encore établi, est déjà présente dans 8% des foyers.
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samedi 9 juillet 2011

La télévision, des habitudes pour la vie ?

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Erk Simon Dina Hammelsheim, Peter H. Hartmann, "Das Fernsehprogramm - Ein Freund fürs Leben ? ", Media Perspektiven, 3, 2011, pp. 139-146  (traduction du titre : l'émission de télévision - un ami pour la vie ?)

Que reste-t-il de la fréquentation de la télévision ? Les goûts acquis au cours de l'enfance et de l'adolescence télévisuelles perdurent-ils au-delà de ces âges pour structurer nos consommations télévisuelles d'adultes ? Combien de temps restons-nous des "enfants de la télé" ? La problématique est connue, elle court dans toutes les analyses de consommations de média : quel est le rôle de la génération, quel est celui de l'âge ?
Pour le savoir, des chercheurs (université, télévision publique) ont approché l'effet de cohorte à partir de données audimétriques de GfK extraites parmi celles des années 1993 à 2010 (GfK gère et exploite le panel pour la mesure des audiences télé en Allemagne). La génération la plus ancienne est des personnes nées avant 1926. Sept groupes d'âge de personnes de 14 ans et plus ont été construits prenant pour variables de contrôle des informations socio-démographiques (sexe, formation scolaire, statut professionnel) ainsi que l'étendue de la réception télévisuelle (câble, satellite, terrestre).

Résultats principaux
  • Pour la durée globale de consommation, l'effet de cohorte est faible tandis que l'effet d'âge ("Alterseffekt") est fort. La durée de télévision consommée (die Fernsehnutzungdauer) augmente régulièrement avec l'âge. Ensuite, parmi les variables, la variable scolaire joue un rôle majeur : plus forte la formation scolaire, plus faible la durée de consommation télévisuelle. Le statut professionnel joue de la même manière, les personnes employées à plein temps hors de la maison regardent moins de télévision. Contrairement aux préjugés courants, ces deux résultats sont indifférents au sexe des personnes. L'effet de l'étendue de l'offre de programmes est faible.
  • Lorsque, de la durée globale, on passe aux émissions de variétés (Volksmusiksendungen), l'effet de cohorte (la génération) l'emporte sur l'effet d'âge. 
  • Pour une émission donnée, "Tatort" par exemple, série policière (Krimireihe) de 90 minutes diffusée par la première chaîne allemande (ARD, dimanche 20H15) depuis 1972, l'effet de cohorte est faible et l'effet d'âge l'emporte.
Travail remarquable par sa rigueur méthodologique et pour ses conclusions. Bien sûr, tout ceci a besoin d'être approfondi en multipliant les types d'émission, en variant les chaînes, les pays. Comment tout ceci est-il affecté par l'évolution des modes de distribution (plus longue espérance de vie des programmes, disponibles en permanence sur divers supports), par les changements de modes de socialisation (réseaux sociaux) ? Imaginons une continuation de cette étude à partir de YouTube... Cette recherche peut servir de base de départ à de nombreux approfondissements concernant d'autres médias : la presse, par exemple, aurait sans doute beaucoup à apprendre de telles études.
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lundi 16 août 2010

Générations médias

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Michael Jäcker, "Was unterscheidet Mediengenerationen. Theoretische und methodische Herausforderungen der Medienentwicklung", Media Perspektiven, Heft 5 - 2010, pp. 247-257.

La revue de langue allemande, Media Perspektiven est une revue de la régie publicitaire de ARD, la première chaîne allemande du secteur public de radio-télévision (ARD-Werbung Sales and Services). Elle couvre l'activité de recherche média et publicité en Allemagne.

"Qu'est ce qui différencie les générations médias ?" Que les technologies marquent ou définissent des époques est une chose. Que les technologies de communication distinguent les générations en est une autre. On va souvent vite en besogne lorsque l'on s'en tient au groupe d'âge comme variable d'homogénéisation et que l'on omet ce qui disperse ce groupe d'âge, hétérogène quant à l'assimilation des technologie : la capital culturel et scolaire légitime, la situation économique, l'habitat, etc. Toutes variables héritées de la famille ("ein Defizit, das den Kindern quasi durch die Eltern vererbt wird", p. 250).
Au prix de quelle cécité met-on l'accent sur la génération, pourquoi privilégier cette notion ? Ainsi, parler de "digital natives" n'a pas de pertinence sociologique mais constitue un de ces fameux discours d'accompagnement des intérêts économiques d'une époque : il faut bien encourager la consommation des technologies "modernes" et démoder les anciennes ; ces notions font partie de la panoplie d'incitation et promotion de la modernité. Il est plus vraisemblable que toute nouvelle technologie disperse un groupe d'âge selon ces variables, que la technologie numérique n'est pas "une" et qu'une population s'en approprie plus ou moins certains de ces traits. Et que, pour une familiarité ou des usages donnés d'une technologie émergente, les proximités sont plus le fait de la situation économique et du capital culturel que de la génération. Toute technologie crée des classes d'usagers, classes qui recrutent dans toutes les générations. Aussi, parler de "génération iPhone", c'est user d'une terminologie maladroite pour parler de l'époque de l'iPhone.

L'article de Michael Jäcker est consacré aux enjeux méthodologiques et théoriques de la recherche média. Dans sa première partie, l'auteur reprend et passe au crible des notions courantes, qui (de notre point de vue) font obstacle épistémologique à une approche rigoureuse des médias (obstacles verbaux, selon Bachelard) : la notion de génération et de catégories d'âge elles-mêmes ("Kritischer Umgang mit Alterskategorien erforderlich") et l'hypothèse d'homogénéité de culture et de comportements qui l'accompagne ("Homogenitätsannahme"), la notion d'ère de d'information ("in einem Informationszeitalter zu leben"), la notion de "digital divide", le primat donné à l'inter-générationnel sur l'intra-générationnel, etc. Equipé de ce doute que l'on souhaiterait plus systématique, hyperbolique, dans la recherche média, l'auteur reprend les études qui traitent des générations média. Exposé et critique salutaire.

D'une manière générale, on observe une réticence, une résistance des travaux sur les médias à prendre en compte des variables scolaires (réussite, échec, filière), des variables de modes de vie pour s'en tenir plutôt à des notions courantes, commodes et peu distinctives (sexe, âge, équipement, niveau de vie, etc.). Tout se passe comme si tout était fait pour écarter les différences. On veut à tout prix trouver dans les médias une culture uniformisante, la classe d'âge transcendant les classes économiques et culturelles. Pourtant, tout indique le contraire : le prix d'un téléphone varie de 1 à 10, les factures de téléphone également, l'accès à Internet varie considérablement selon les équipements, les types d'abonnements : s'en tenir au fait de disposer d'un téléphone portable pour parler de génération numérique, variable dichotomisée, simplifie tout. De même, pour faire "masse", prendre comme critère le fait d'"utiliser Internet au moins une fois par semaine" (voire "une fois par mois" !)... Toutes ces statistiques simplificatrices aplatissent les différences ("nivelliert diese Differenzierung") et contribuent à l'illusion pacifiste d'un monde irénique, unifié et débarrassé des "luttes des classes" par et dans la technologie. Sociologies euphorisantes !

Ce travail de synthèse donne un éclairage critique indispensable sur l'épistémologie d'une recherche média empêtrée dans des méthodologies inappropriées (l'analyse d'une recherche américaine sur des étudiants et Internet), stérilisantes, conçues pour des pratiques d'habitude, suivant la règle des trois unités : "Qu'en un jour, en un lieu, un seul fait accompli // Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli", le média analogique suivait encore Boileau ! La déclaration était facile et crédible. A vouloir aujourd'hui traiter les médias numériques avec les méthodologies conçues pour des médias analogiques, le travail de recherche est relégué dans la sphère des études de célébration et d'accompagnements (cf. travers détecté par Sandrine Médioni dans sa thèse).
La première urgence dans les études média est d'inventer des méthodes de recherche propres à l'univers numérique, d'en établir les cadrages indispensables. Et, surtout, de définir cet univers dans sa relation aux pratiques plus anciennes et qui subsistent : non seulement la télévision et la presse, mais aussi, ce que l'on "perçoit moins" comme médias, l'écriture manuscrite, la conversation face à face, la réunion, la présentation, la carte de visite, le marketing direct, le cinéma en salles, la montre, la carte postale, etc. Quel est le statut de ces pratiques, comment se mélangent-elles à celles nées des technologies numériques ?
Enfin, la notion de génération, comme d'autres catégories de massification, doit sans doute beaucoup à la difficulté d'accès des chercheurs aux "autres" : autres générations, autres milieux sociaux dont témoignent le nombre de travaux faisant appel aux échantillons d'étudiants, aux "inactifs", aux classes moyennes... gibiers faciles des enquêtes..
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