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mardi 16 août 2022

Un crime dans le métro : le fait divers, c'est toute une histoire

 Christian di Scipio, Le crime du métro, Paris, 2018, Cap Béar éditions, 405 p.

C'est l'histoire d'une belle veuve, Yolanda, italienne d'origine, bilingue, qui avait épousé le fils de son patron en France. Veuve, elle tourne la tête de bandits, plutôt de droite, plus ou moins concernés par la politique du Front Populaire en France et qui, appartenant à la Cagoule, liés à Mussolini, veulent régler la situation de ces immigrés italiens que l'on considère, en Italie fasciste, comme gênants. 

Mais elle se fait aussi draguer par un étudiant en médecine, jeune collaborateur d'un journal de la presse communiste, Ce Soir, qui vient d'être lancé récemment, et que co-dirige Louis Aragon qui, comme Zola, fait l'éloge des faits-divers. Le journal est lancé le 1er mars 1937, le crime a lieu le 16 mai. 

On la voit aussi avec ses amies de travail de l'usine Maxi, ouvières, dans une usine de cirage à Saint-Ouen ; on la voit comme elles, au bal, dans les guinguettes, draguant un marin. On la voit encore dame-vestiaire à L'As de Coeur. On la suit aussi et surtout dans ses contacts avec l'ambassade d'Italie en France et dans ses voyages d'espionne dans les trains de nuit (le Train Bleu, c'est confortable !). 

Elle doit obtenir des renseignements sur un opposant au fascisme, mais elle le trouve, lui et son épouse, plutôt sympathiques : "pourquoi aider à faire du mal aux Rossetti, des gens si charmants" se demande l'héroïne. Belle, innocente, cette femme de trente ans "allume", séduit mais ce n'est pas une criminelle... Bien sûr, elle se rend en Italie mais de retour à Paris se dit, comme Joséphine Baker :  "J'ai deux amours, mon pays et Paris" (p. 128). "Sa France" !

Le roman est plutôt bien construit, surtout au début. On est dans un roman, un peu policier. La fin est plus dispersée, compliquée comme l'enquête. Saura-t-on jamais qui a tué cette femme, le dimanche de la Pentecôte, à six heures du soir, dans un wagon de première classe du métro parisien ? Travail de professionnel ? Crime politique, crime d'un amoureux fou ?

Travail d'historien, travail de journaliste, fiction ?  Fait-divers. Sûrement, mais pas seulement. Le lecteur s'y perd un peu. L'héroïne est agréable, elle n'a pas de sympathie fasciste et semble un peu neutre ; elle a un employeur, l'Ambassade d'Italie, certes, mais elle a déjà travaillé pour l'ambassade d'Union soviétique qui fit assassiner Navachine, banquier trop peu stalinien. Alors, apolitique la jolie espionne ?

C'est l'époque de "la môme Piaf", on boit des Birrh, on aime le Balajo, on lit Comoedia, L'Intransigeant, Le Figaro, Le Petit Parisien, Le Populaire, on écrit avec une machine Underwood, on roule dans des Citroën Traction Avant, des Simca-Fiat ou des Panhards. C'est l'époque de Michèle Morgan et Jean Gabin (Quai des Brumes !). Bien sûr, c'est aussi  l'époque du journal Je suis partout qui continuait de déclarer Dreyfus coupable, journal fasciste où écrivent, quand même !, Jean Giraudoux, Drieu la Rochelle, Céline tandis que les militants de la Cagoule s'abreuvent de l'argent des entreprises Renault, Ripolin, Michelin ou Lesieur. Temps bizarre que l'historien décrit par petites touches, tranquillement, comme en passant. On a bien un roman policier mais on a surtout une description historique, assez précise, de la société française.