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samedi 20 août 2016

Portabilité : anthologies et playlists littéraires


A Loeb Classical Library Reader, Harvard University Press, Cambridge, London, 2006, 234 p., Index, $10,57

Ralph Waldo Emerson, Parnassus, 1874, Boston and New York, 534 p., Index of first lines, Houghton, Mifflin and Company, The Riverside Press, Cambridge

A Loeb Classical Library Reader est une anthologie bilingue de textes classiques grecs et latins ; le texte original, en grec ou latin, est en page de gauche, la traduction en anglais en page de droite. Les textes sont choisis à partir des ouvrages des célèbres éditions Loeb, créées en 1911, reprises par Harvard University Press en 1989. Les extraits choisis vont d'Homère à Jérôme, en un bouquet, un florilège de textes (anthos = fleur) de référence passant par Platon, César, Pline, Horace, Lucrèce, Virgile, Sophocle...

Cette anthologie assure d'abord une fonction de marketing : faire connaître l'entière collection de l'éditeur auprès du public cible des étudiants. Elle se distingue en cela d'un manuel dont elle a toutefois la maniabilité (format poche) et l'autorité mais pas l'accompagnement didactique. Les traductions sont désormais données dans un anglais contemporain, et non plus celui de la King James Bible.

L'anthologie est un genre éditorial ancien, relevant de la compilation, genre déjà connu des Grecs (Anthologie de Méléagre) puis des Latins. Anthologies manuscrites (codex), rassemblant des lieux communs (humanistes, common-place book) et des miscellanées. Bibliothèque portable, l'anthologie avec ses morceaux choisis, s'oppose au livre unitaire d'un seul auteur. Les doxographies regroupent des textes d'auteurs et philosophes, la plus célèbre est celle de Diogène Laërce (troisième siècle de notre ère) : Vies et doctrines des philosophes illustres.
L'anthologie scolaire est une sorte de manuel de lecture complémentaire de la grammaire, notamment. Dispense-t-elle de lire les œuvres entières ou, au contraire, incite-t-elle à s'y reporter ? Et tout cela reste quand même aussi du marketing : pensons aux fameux manuels, à l'anthologie de l'histoire littéraire française de Lagarde et Michard (Editions Bordas, 6 volumes, 1948, repris dans un coffret avec 4 volumes et CD ROM). Dans un autre genre, voir le Livre des citations de Mao Zedong.
Celui qui conçoit et réalise l'anthologie est considéré comme un auteur : il sélectionne, introduit, annote, situe les textes ; à ce titre, il bénéficie du droit d'auteur, tout comme celui qui organise une exposition, la sélection des tableaux, l'accrochage. L'Anthologie de la poésie française (1949) d'André Gide fait partie des œuvres de l'auteur, elle est son choix est personnel (cf. Pléiade, Gallimard). Peut-on en dire autant de celui qui conçoit une émission présentant une anthologie de films, une anthologie de concerts ? (Sur ce point, voir : Bernard Edelman, Nathalie Heinich, L'art en conflits. L'œuvre de l'esprit entre droit et sociologie, Paris, Editions La Découverte, 2002.)

En 1874, Ralph Waldo Emerson publie Parnassus, sa propre anthologie poétique. Le Parnasse, c'est là où habitaient les Muses ; c'est le titre d'une anthologie de poésie, éditée en France quelques années plus tôt, Le Parnasse contemporain, recueil de vers nouveaux (1866) qui publia Théophile Gauthier, Charles Baudelaire, Stéphane Malarmé, entre autres. Emerson explique ainsi la confection de son anthologie : "This volume took its origin from an old habit of copying any poem or lines that interested me into a blank book", déclare-t-il dans sa préface, revendiquant la commodité "the convenience of commanding all my favorites in one album, instead of searching my own or other libraries for a desired song or verse...". Ensuite, l'anthologie devient publique. "S'il la commence pour lui-même, c'est pour d'autres qu'il la termine et la publie", dira Georges Pompidou, futur Président de la République, dans la préface de son Anthologie de la poésie française (1961). Aujourd'hui, chacun peut réaliser et partager sa propre anthologie en recourant à des outils logiciels tels que Evernote, Instapaper ou Pocket (avec liens, tags, outil de recherche, de présentation, d'annotation, reminder, etc.). Curation ? Bookmarking ? Tout comme l'on peut créer et partager ses propre playlistes musicales sur YouTube, Spotify ou iTunes.
"En composant cette anthologie, je n'ai rien voulu renoncer", prévient Paul Eluard (La poésie du passé. De Chrestien de Troyes à Cyrano de Bergerac). De quels renoncements est coupable l'auteur d'une anthologie ? Comme principe de choix, Emerson s'en remettait à la "célébrité" (fame) : "The task of selection is easiest in poetry. What signal convenience is fame !" Comme Google et le page rank ?
Le travail d'anthologie s'apparente à celui du rhapsode grec (ῥαψῳδός) qui cousait ensemble des chants (ραπτω, coudre, et ωδη, chant) ou des morceaux de chants en les récitant : l'Iliade et l'Odyssée n'étaient-elles pas d'abord des anthologies orales ?
Aujourd'hui, l'anthologie littéraire reste un genre important (liste, synthèse) et constitue une catégorie de classement et d'organisation des linéaires en librairie (cf. infra).
Stanford University Bookstore, rayon "Anthology", août 2016 (photo FjM).

N.B. Signalons le remarquable article de Carole Dornier, "Montesquieu et la tradition des recueils de lieux communs", Revue d'histoire littéraire de la France, 4/2008 (Vol. 108) , pp.809-820.

lundi 18 août 2014

Usages des objets dans l'histoire et la littérature


Marta Caraion (sous la direction), Usages de l'objet. Littérature, histoire, arts et techniques. XIX-XXe siècles, Paris, Editions Champ Vallon, 2014, 278 p.

Prendre "le parti des choses" (Francis Ponge), entrer dans la littérature et l'histoire par les objets, fait assurément voir le monde autrement. D'abord en rappelant à quel point l'économie industrielle produit une pléthore d'objets. Sociétés du fétichisme des marchandises (Karl Marx) et de la reproductibilité (Walter Benjamin), les objets sont partout, pour faire (outils), pour décorer, distinguer, fantasmer. La propriété n'est-elle pas ce que l'on possède et ce qui nous définit, et finit par nous posséder ?

En seize contributions, l'ouvrage saisit les usages des objets sous des angles différents : le roman-feuilleton, le roman policier, la poésie, le voyage et les souvenirs, les expositions, les collections, les natures mortes photographiques, les plantes d'appartements, les aquariums, les trophées coloniaux, le commerce (grands magasins)... Les références classiques abondent (Baudelaire, Balzac, Gauthier, Zola, Ponge, Delille, Pérec, Valéry, Simmel) ainsi que la littérature française contemporaine (Pérec, Toussaint, Houellebecq, Le Clézio, Modiano, Quignard). Plus inatttendus et précieux, les développements sur les expositions universelles, sur l'exotisme et sur les "sciences" de l'oppression (cf. l'anthropologie et ses outils de pseudo-mesure, les trophées coloniaux).

Les objets dont parlent ces études sont des objets isolés. L'ouvrage nous laisse bien sûr aux portes des objets connectés et connectants, de l'Internet des objets, de la personnalisation calculée et programmée (data), distinction à la chaîne. L'ouvrage nous laisse aussi trop loin peut-être de l'Encyclopédie et du Larousse, des planches et des objets techniques (objets pour faire des objets). Peu d'allusions et de développements sur les catalogues et les dictionnaires, où se mêlent et se classent "les mots et les choses". Car il n'y a pas d'objets, de choses sans mots. Et peu de choses sans marque sans quoi elles ne se démarqueraient pas.

Partout dans l'ouvrage, court la critique de la matérialité (spiritualité), de la quotidienneté (événement) et de l'utilité (gratuité) qui distinguent les œuvres littéraires et artistiques des œuvres courantes. La critique de la publicité est constante : invasion des objets achetés, achetables (harcélement, tyrannie, désir, "appel publicitaire"). La hiérarchie des objets est socialement construite : les cadeaux, le photographiable, le mémorable et le collectionnable font l'objet de stratégies d'affiliation et de distinction que la publicité reprend à son compte et renforce mais qu'elle n'invente pas. Dans l'activité publicitaire, il y a des objets mais aussi des sujets consommateurs d'objets et de mots.

Ouvrage collectif au meilleur sens du terme : les contributions, pluridisciplinaires, se croisent, se réfléchissent et se complètent, servies par une introduction éclairante. Du point de vue du marketing, cet ouvrage invite à mieux concevoir une socianalyse de la consommation et des équipements (prix, design, etc.), de l'habitation qui les abrite.

mardi 27 septembre 2011

Zola, les premiers enfants de la presse

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Zola journaliste. Articles et chroniques choisis par Adeline Wrona. Paris, Flammarion, 387 pages, Index, Chronologie, Bibliographie.

Zola journaliste reste d'abord l'auteur du fameux "J'accuse" publié à la une de L'Aurore (13 janvier 1898) pour conspuer l'injustice et défendre le capitaine Dreyfus. Les anti-dreyfusards ne lui pardonneront jamais :  lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon (4 juin 1908), un anti-dreyfusard blessera le commandant Dreyfus présent à la cérémonie.
Zola vit une période essentielle du développement de la presse : "Nous sommes tous les enfants de la presse" écrit-il dans Le Figaro en 1881, alors que naît l'école laïque et obligatoire. Zola rappellera que la presse populaire (Le Petit Journal) « a créé une nouvelle classe de lecteurs», qu'elle a « rendu un réel service : elle apprit à lire, donna le goût de la lecture» (1872).
Cet ouvrage couvre 40 années de journalisme. Comme Baudelaire et comme Gautier, Zola alterne une carrière de romancier et de journaliste, journalisme engagé et journalisme alimentaire : le roman ne paie pas son homme. Dans la presse, il fera tous les métiers, du service des expéditions (Hachette) à la chronique parlementaire en passant par la publicité littéraire, où il apprend beaucoup. En 1866, Zola devient journaliste à temps complet et collabore à de nombreux titres. Si la presse sauve la lecture, Zola estime toutefois qu'elle dévore les romanciers : « il n'y a plus de romancier. Le journal les a dévorés » (1868). Comme ses illustres prédécesseurs, Balzac ou Flaubert, Zola sera publié en feuilleton. Ce n'est qu'avec L'assommoir (1877) qu'il pourra commencer à vivre de son oeuvre littéraire.

Dans le journalisme, Zola voit une propédeutique à la littérature : « pour tout romancier débutant, il y a dans le journalisme une gymnastique excellente, un frottement à la vie quotidienne, dont les écrivains puissants ne peuvent que profiter ». La transition du journalisme à la littérature s'effectue, entre autres, par la publication des recueils d'articles (« la mise en volume est l'épreuve suprême pour les articles»). Faudrait-t-il appliquer cette proposition aux blogs ?
Zola perçoit le danger que représente le goût d'actualité, du scoop :« cette fièvre d'information immédiate et brutale, qui change certains bureaux de rédaction en véritable bureau de police" (juillet 1880) ; mais c'est aussi la presse qui permet le développement de l'affaire Dreyfus.
Zola fut à la fin de sa vie passionné de photo. On se demande quel reporter il eût fait.

Superbe travail d'Adeline Wrona, enseignante au CELSA. Cet ouvrage, avec sa remarquable présentation, contribue, comme le Baudelaire et le Gauthier de la même collection, à la compréhension de l'évolution de la presse qui devient à la fin du XIXe siècle un lieu majeur de circulation et de partage des idées. Le volume comporte quelques belles illustrations et l'on peut y lire un Zola mal connu qui, par exemple, traite de la presse française pour un journal russe (page 224) ou encore du lectorat du journal (page 55).
Pour conclure, lisez donc ce beau texte publié dans le Corsaire, à la une, le  24 décembre1872 et qui vaudra à ce titre d'être interdit : "le lendemain de la crise" (p. 212). Quelle presse publierait aujourd'hui un article pourtant aussi actuel ?
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dimanche 5 juin 2011

Bibliothèque numérique du Figaro

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Cela n'a pas fait beaucoup de bruit, c'est bien dommage.
Voici une application gratuite (iPhone, iPad), bien faite, qui propose des ouvrages repris de la collection publiée en 2008 par Le Figaro et les Editions Garnier. Bibliothèque d'ouvrages classiques que l'on étudie, ou étudiait ou devrait étudier dans les classes. La présentation est claire, la lisibilité excellente, l'ergonomie essentielle évidente. Reste à augmenter le nombre d'oeuvres proposées.
Copie d'écran d'Ipad. Sommaire pour une oeuvre.

Accompagnant chaque texte intégral, l'éditeur fournit quelques outils complémentaires : résumé, indications biographiques, situation de l'oeuvre, sélection de passages clés, dont l'un est lu à haute voix.
Un dictionnaire intégré manque toutefois terriblement. Cela permettrait -d'autres applis le font (iBook, Kindle)- d'un simple click, d'accéder à la définition plus ou moins détaillée d'un mot. Indispensable pour lire des oeuvres anciennes.

Les forts en thème trouveront à redire : la documentation est restreinte, les fonctionnalités limités, etc. Certes. L'ambition de cette bibliothèque n'est pas, à ce stade, de constituer des outils scolaires mais de disposer de ces textes sur un support mobile, tablette ou smartphone,  pour le plaisir de lire.

Finalement, la presse renoue avec son histoire, lorsque, au 19e siècle, elle publiait en feuilleton certains de ces grands textes quand leurs auteurs étaient vivants : Balzac, Baudelaire, Gauthier...
Pour une prochaine mise à jour, on aimerait un dictionnaire, un moteur de recherche plus riche, des signets plus commodes.

N.B. A propos de "Un coup de dés" : pourquoi n'avoir pas profité des possibilités du numérique pour restituer une édition adaptée aux exigences mallarméennes de mise en page, au lieu de réduire ce poème à une désolante et linéaire uniformité ?
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samedi 27 mars 2010

C'est beau une gare ?

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"A la recherche des pas perdus" de Stéphanie Sauget est "une histoire des gares parisiennes" de 1837 à 1914 (301 p., bibliogr.). 
Le livre analyse l'arrivée du chemin de fer dans Paris et le rôle central que les gares jouent progressivement dans l'organisation et la culture de la ville. Calquées d'abord sur les installations portuaires (le vocabulaire en témoigne : quai, embarcadères, voies, débarcadères), les gares participent des grands travaux de la seconde moitié du 19e siècle et de l'installation de la société industrielle.



Creuset social, la gare devient le lieu des migrations alternantes : dès les années 1880, les gares gèrent de plus en plus de trajets, de plus en plus courts ; pour cela, sont mis en place des politiques tarifaires adaptées (abonnements annuels), des "trains ouvriers", etc. Les gares créent la banlieue et aménagent le territoire péri-urbain. Elles favorisent l'uniformisation des comportements urbains et accentuent la centralisation autour de Paris. Elles contribuent aux transformations de l'organisation du travail : ouverture des emplois aux femmes (1875), systématisation de l'encadrement et du contrôle (recours aux chiffres, à la comptabilisation pointilleuse du temps de présence) et sa contrepartie, syndicalisation, grèves.

Les gares seront des matrices de la modernisation urbaine, des lieux publics, des points de vente aussi où s'apprivoise et se transmet l'innovation technologique.
L'électricité pénètre le décor et la vie des gares : grues hydrauliques, horloges synchronisées, signalisation, aiguillages, éclairage, panneaux lumineux, escaliers mécaniques, tapis roulants pour les bagages... Il s'en suit une évolution globale de la sensibilité : cette évolution touche le régime lumineux ("scopique") sous l'effet de l'éclairage électrique, du mouvement, etc. Elle affecte également la sensibilité olfactive, sonore, haptique (vibrations).
La gare propage la "religion de l'heure". Les horaires, qu'impose la gestion des gares et des transports ferroviaires, modifient le rapport au temps, à la précision, à la ponctualité ce dont témoignent l'adoption du mot anglais stress, la stigmatisation de l'attente, des retards (salles d'attente). Pour suivre les chemins de fer, villes et régions se mettent toutes au temps de Paris (uniformisation par signal électrique à partir de 1849). Transport ferroviaire et télégraphe feront triompher le temps universel le 9 mars 1911.

L'auteur évoque le rôle indirect des gares dans le développement des médias. La culture de masse sur support papier, se développe dans le sillage des chemins de fer et des gares. C'est cette culture, vieille de plus d'un siècle, que la communication numérique bouscule aujourd'hui.
  • Le premier média de la gare, c'est le guide des chemins de fer qui se développe à la fin des années 1840, et dont le plus connu sera celui de Chaix, un horaire mensuel (96 pages, qui imite le Bradshaw anglais). 
  • Les bibliothèques de gare de Louis Hachette, dès 1852, sur le modèle de celles de W.H Smith à Londres, seront à l'origine d'un débat national sur l'accès au livre et à la lecture (les romans de Stendhal seront interdits à la vente dans les gares). "Littérature de gares", pour attendre le train, romans pour tuer le temps du voyage. 
  • Apparition d'une presse professionnelle (1868, Journal des gares, revue mensuelle des chemins de fer) aux connotations syndicales, détestée du patronat des chemins de fer. 
  • Le réseau ferroviaire est à l'origine de la presse quotidienne nationale de masse dès la fin du XIXe siècle. Les chemins de fer sont de grands annonceurs (dans l'affichage, la presse), ils constituent aussi un grand média hors des foyers (affichage longue durée).
Ce livre sensibilise aux effets sur la vie quotidienne des changements dans la communication. L'histoire des gares aide à percevoir tout ce qui est artificiel dans ce que nous considérons aujourd'hui comme naturel et qui ne s'est pas mis en place sans résistance, sans contestation.
Ce livre laisse aussi entrevoir tout le travail d'analyse média qui n'est pas encore fait ou qui n'est pas encore intégré et qui permettrait de percevoir les conséquences des médias numériques récents sur les habitudes intellectuelles, sur les comportements, sur le rapport au temps (le temps du téléphone, des horloges digitales, des agendas électroniques), sur la perception (cf. le rôle de la couleur, puis de la HD, de la 3D). Les "pas perdus" dans les gares ne sont pas perdus, ils sont l'un des cheminements par où s'inculque la modernité. La gare du XXIe siècle qui se met à l'heure numérique (écrans plats pour la communication commerciale, panneaux d'information des voyageurs, télévision dans les voitures, bornes interactives... ) à son tour jouera son rôle dans l'inculcation de la culture numérique (cf. "DOOH: Screens at Grand Central. NY NY").

Les artistes ont montré la révolution sensorielle et sociale que représentent les gares. "C'est beau une gare" dira Zola, à propos de la série de tableaux de Monet (1877), Théophile Gauthier y verra de nouvelles "cathédrales de l'humanité" (1868). Honegger fera entendre la musique des locomotives ("Pacific 231") dans un film d'Abel Gance ("La Roue", 1923). Décidément "voyant", Guillaume Apollinaire évoquera, dans "Zone", les "pauvres émigrants" dans le hall de la gare Saint-Lazare (1912, Alcools) qui dérangent les voyageurs... Les artistes ne cesseront de faire voir des gares. Et de raconter les vies qui s'y font, s'y défont : "La Bête humaine" (1890, publié par Zola en feuilleton dans La Vie Populaire), "Les Soeurs Vatard" de Huysmans (1879), "Antoine Bloyé" (Paul Nizan, 1933)...


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