Han Kang, Leçons de grec, 2011, 2024 traduit du coréen par Jeong Eun-Jin et Jacques Batillot, Le Livre de Poche,189 p.
L'auteur qui est coréenne (du Sud) s'est vue décerner le Prix Nobel de littérature en 2024. Greek lessons a été publié en 2011 et traduit (en anglais) en 2023.
Ce roman commence par un cours de grec ancien donné à des étudiant(e)s coréen(ne)s. L'étudiante, maintenant un peu âgée, a une large fréquentation des langues : le coréen, toute petite, avec son frère, puis l'anglais et français, le chinois aussi. Puis l'allemand, en Allemagne.
On apprend son histoire par petits morceaux. Elle a eu un enfant dont la garde a été confiée par le juge à son mari dont les revenus sont plus stables que les siens. Elle a perdu sa voix, elle est donc muette, quant au professeur de grec, il est lui en train de perdre la vue. Elle communique avec lui en écrivant avec le doigt sur la paume de sa main, technique classique en Asie (pour la compréhension du chinois notamment).
Le cours de grec se poursuit, par instants, tout au long du roman qui est une sorte de pluri-biographie. Les étudiants travaillent, traduisent et discutent un dialogue de Platon, La République. Petit à petit, elle et le professeur de grec font connaissance, lentement, doucement ; " il ne connaît pas la cotte de mailles faite des mots qui piquaient son corps nu comme autant d'aiguilles".
C'est un très beau livre, qu'il faut lire doucement et relire, relire encore. Alors, on finit par mieux percevoir, deviner les personnages, leurs discours, leur malaise. Rien ne conclut mieux ce roman que la remarque d'un ami de l'héroïne : "Tu es trop littéraire pour faire de la philosophie... Ce que tu veux atteindre à travers la pensée n'est qu'une sorte d'extase littéraire" (p. 117). Alors, littérature ou philosophie ? Allez savoir...
NB : pour les hellénistes, page 114, le mot "arèté", cité par l'auteur, désigne chez Platon la vertu (le Ménon porte sur l'ἀρετή). Yvon Brès dans sa thèse sur La psychologie de Platon (PUF, 1968,) considère que l'adjectif qui correspond le plus adéquatement à ἀρετή, "bel et bon", est καλὸς κἀγαθός.