dimanche 16 mars 2025

Les Juifs de Belleville, roman réaliste de l'après guerre

 Benjamin Schlevin, Les Juifs de Belleville,  Paris, traduit du yiddish par Batia Baum et Joseph Strasburger, Paris Perdu L'échappée, 549p. 

La traduction est nouvelle et cette édition apporte des éléments importants permettant de bien comprendre l'ouvrage. Le livre s'accompagne d'une préface du traducteur, Joseph Strasburg, et en fin d'ouvrage, d'un lexique, et, de textes éclairant le roman, textes d'excellente qualité établis par Denis Eckert : d'abord un "Lexique" (les mots du français technique et les mots de provenance étrangère, polonais, allemand surtout), puis les "Notes au fil du texte", suivi par "Les juifs de Belleville entre fiction et témoignage", "La réception du roman par la critique littéraire yiddish - 1948", "Schlevin, une biographie (1913-1981) et, pour finir, une "Bibliographie de l'édition critique". Au total, plus de 70 pages qui permettent une lecture juste et commode du livre, avant de commencer la lecture, pendant et après.

L'auteur, Benjamin Schlevin (Benjamin Szejnman), a été scolarisé en yiddish ; il sera élève de l'école normale d'instituteurs de Vilnius avant d'émigrer en France en 1934. Linotypiste dans le presse communiste, engagé en 1939, fait prisonnier, il est libéré par les Américains et revient à Paris. Sympathisant communiste, il s'éloigne du PCF dans les années 1950 alors que l'on assassine en Union soviétique de nombreuses personnalités juives.

La précédente traduction des Juifs de Belleville était médiocre, raccourcie, souvent fausse ; cette édition reprend le travail et nous donne une traduction complète, intégrale. Voici donc la nouvelle traduction d'un roman important de l'immédiat après-guerre, publié en yiddish en 1948. A la lecture, on ne s'ennuie jamais ; la vie des immigrés Juifs d'avant-guerre dans ce quartier de Paris y est décrite minutieusement. Le livre raconte, dans le détail souvent, la vie de la population des ouvriers et des petits artisans, venus de l'Europe de l'Est après le conflit de 1914-1918 et la révolution en Russie. C'est un roman social, réaliste, l'auteur admirait Balzac (dont il avait traduit La Cousine Bette en yiddish). Les Juifs de Belleville constituent un roman réaliste certes, même s'il invente quelques fois des situations et des événements. Il décrit de manière précise les conditions de vie et de travail des ouvriers et ouvrières récemment immigrés ; l'auteur, lui même fils de bourrelier, connaît la plupart de ces métiers, notamment ceux qui concernent le travail du cuir. Le dernier tiers du roman se déroule loin de Belleville et décrit la vie des volontaires engagés en 1939 et s'achève par leur séjour comme prisonniers de guerre dans un stalag.

Le livre met en évidence la langue de ces ouvriers et ouvrières immigrés, Français qui trouvent progressivement leur place dans la vie parisienne, vie tellement difficile. Voici un très beau livre, et le résultat d'un remarquable travail de traducteurs et d'éditeurs.

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