Affiche du film aux Etats-Unis (Kendall Square Cinema, Cambridge) |
The Man Who Knew Infinity, film de Matthew Brown, 2016, 1h48 mn,
Film réalisé d'après la biographie écrite par Robert Kanigel (1992), professeur au MIT où il enseignait l'écriture scientifique (scientific writing).
Biographie (biopic) de Srinivasa Ramanudjan, remarquable mathématicien indien, plus ou moins autodidacte, connu entre autres, pour des travaux sur les nombres. Le mathématicien comme héros tragique au cinéma. On connaît déjà Alan Turing (The Imitation Game, 2014) et John F. Nash (The Beautiful Mind, 2001).
Srinivasa Ramanudjan a donné lieu à d'autres interventions audio-visuelles, par exemple, un épisode de la série "Nova" sur PBS, un film en tamoul de Gnana Rajasekaran (2014). D'autres vies de mathématiciens seraient fécondes pour le cinéma, non moins originales : Benoit Mandelbrot, Evariste Galois (un court métrage d'Alexandre Astruc existe déja, 1965), Carl Friedrich Gauss, Paul Erdös, Georg Cantor, Niels Henrik Abel (dont la biographie dramatique s'apparente quelque peu à celle de Srinivasa Ramanudjan), Kurt Gödel, Alexander Grothendieck, Grigory Perelman. Et les mathématiciennes, Emmy Noether, Ada Lovelace ou Sophie Germain... Ces vies en mathématiques valent bien en originalité celles de Balzac, Racine ou Chateaubriand !
Le film narre la vie de ce jeune mathématicien indien (Madras) au très classique Trinity College (Cambridge, Grande-Bretagne) où il est l'hôte de Godfrey Harold Hardy (A Mathematician's Apology, 1940). On suit la naissance difficultueuse d'une amitié où l'on croise aussi Bertrand Russell ("Berty") et John Edensor Littlewood, collègue et proche collaborateur de G.H. Hardy.
Quelle narration imaginer pour rendre compte au grand public non mathématicien d'aventures mathématiques aussi ésotériques ? Le risque est grand, à vouloir être didactique, d'ennuyer un spectateur venu pour se distraire. Reste un peu de drame et de belles images pour animer théorèmes et équations : la maladie, l'éloignement du pays, de la famille, la traversée, l'hostilité hautaine d'universitaires installés dans leur routine et leur suffisance (culture vestimentaire, alimentaire, rites, hexis corporelle), la nostalgie des éléphants, tout cela sur fond de guerres et d'hiver anglais... Peu de spectaculaire (passe un Zeppelin !), quelques personnages, Hardy, Littlewood, l'épouse, la mère. Mais les mathématiques, omniprésentes comme moteur de l'intrigue ne sont jamais données à voir sauf de manière anecdotique : la décomposition remarquable d'un entier, l'explication de la notion de partition (partage), les feuilles volantes couvertes d'équations...
Un problème épistémologique court dans tout le film qui oppose l'intuition (plus ou moins mystique chez Srinivasa Ramanudjan) et la démonstration (absolument rationnelle, G.H. Hardy). Qu'est-ce que connaître ? On pensera à la place de la théorie de la démonstration et à ses évolutions. Mais que peut le cinéma pour dire cela, le vulgariser ?
Et pourtant le film est agréable et laisse penser.
N.B. Les biographies "romançables" de mathématicians ne manquent pas. Citons celle de Kurt Gödel (Les démons de Gödel. Logique et folie par Pierre Cassou-Noguès, Seuil, 2007) et celle de Alexandre Grothendieck, Itinéraire d'un mathématician hors normes (Georges Bringuier, Privat, 2016) ou celle d'Evariste Galois par Alexandre Astruc (Flammarion, 1994).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire