Entrer dans la carrière universitaire. Pour n'en plus sortir ? Pierre
Bourdieu
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Victor Collard, *Genèse d'un sociologue*, Paris, CNRS éditions, 2024,
Index, Bibliogr., 447 p.
De son enfance lycéenne aux débuts de sa carrière univers...
lundi 1 décembre 2014
Débranche tout. Paradis perdu ?
Michael Harris, The End of Absence: Reclaiming What We've Lost in a World of Constant Connection, New York, Penguin Group, 2014, 219 p., € 10,99 (eBook), Index, Glossaire.
Jamais seul avec Internet : on ne débranche plus. Phénomène ancien ; en 1984, France Gall chantait déjà "Débranche. Débranche tout. Revenons à nous". "Coupe les machines à rêve", disait la chanson de Michel Berger qui visait la radio (la FM autorisée depuis 1981) et la télévision (Canal Plus lancé en 1984) ! "Rester maîtres du temps et des ordinateurs"... Michel Berger philosophait volontiers.
Trente ans plus tard (juillet 2014), une enquête de CivicScience (juillet 2014, citée par eMarketer), le confirme : deux tiers des personnes de 13 ans et plus ne débranchent presque jamais. La généralisation des appareils mobiles et du multiscreentasking accentuent la tendance, les wearables (montre, etc.) en rajouteront. Technologie, opium du peuple ?
De plus, comme équipements professionnels et personnels se confondent (BYOD), une connexion permanente est souvent nécessaire, notamment pour les cadres des entreprises privées. Devant le risque de généralisation, les syndicats en viennent à réclamer le droit à la déconnexion pour limiter le temps de travail élastique et "protéger le repos et la vie privée".
Michael Harris souligne dans son ouvrage que les nouvelles générations, aujourd'hui les moins de vingt ans, seront les premières à ne pas avoir connu le monde d'avant Internet (1994). Tout comme les générations d'après les années 1960, les moins de cinquante ans, n'auront jamais connu un monde sans télévision. Tout le monde en revanche a toujours connu la radio. Fossés médiatiques entre générations. La connexion continue s'installe davantage dans le quotidien, de génération en génération : elle devient naturelle et déjà l'on s'étonne qu'elle étonne.
L'auteur propose de méditer cette situation créée par l'omni-présence de la communication numérique, comprendre comment elle affecte nos comportements, notre mémoire, notre expérience du monde, et comment y survivre en bonne santé. Nous vivons "la fin de l'absence", craint-il, la perte du manque ("the loss of lack"), de la rêverie et de la solitude : "The daydreaming silences in our lives are filled; the burning solitudes are extinguished". Nous vivons continuellement dans une situation d'attention partielle (multitasking). Les technologies de communication ont été des moyens, ce sont des fins en soi. Tel est le prix à payer pour les nouvelles technologies, leur coût de renoncement. Culte publicitaire de la durée d'écoute, de connexion (dwell time).
Comment comparer le monde avec et sans Internet ? Avoir vécu sous deux règnes technologiques crée une situation d'immigrant (digital immigrant) condamné à regretter souvent sa technologie d'origine, d'avant le Web et le mobile, tandis que les digital natives, nés dans le numérique, n'ont rien à regretter.
Selon Michael Harris, la vie connectée ne serait pas tout à fait "la vraie vie", plutôt "une saison en enfer". Alors il suggère à ses lecteurs de mettre Internet entre parenthèses, de temps en temps au moins, pour retrouver un peu d'authenticité, les renvoyant à Henri D. Thoreau qui, durant un an, s'était mis à l'écart (Walden; or, Life in the Woods. 1854) : "I went to the woods because I wished to live deliberately, to front only the essential facts of life,and see if I could not learn what it had to teach" et, plus loin, "I did not wish to live what was not life".
Rien de bien neuf - Jean-Jacques Rousseau déjà - sinon un étonnement naïf, salutaire. Il faut s'étonner, sans cesse. Pour cela retrouver un monde à l'écart des technologies ; pour en percevoir les effets, retrouver le monde d'avant les technologies de communication. Nostalgie, luddisme, "self reliance" médiatique ? Attention toutefois, l'hostilité de principe à la technique peut conduire aussi vers des philosophies réactionnaires...
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Vérifier ses mails, faire défiler son mur Facebook, tweeter, surfer sur son Smartphone... ces gestes sont devenus anodins et chronophages. L’application Checky permet de comptabiliser combien de fois vous avez regardé votre Smartphone par jour et les résultats peuvent être déroutants... L’omniprésence des écrans et des contenus numériques pose plusieurs questions en termes d’addictologie tout d’abord, et plus généralement en termes de soumission au diktat du monde numérique.
RépondreSupprimerAlors que l’ultra-connexion peut avoir des conséquences néfastes sur la santé, conduire au burn-out ou à la dépression, aux Etats-Unis, des colonies se sont développées, en Chine des camps militaires ont ouverts pour mener à bien des Digital Detox.
En effet, la technologie crée un besoin qui n’existe pas et certains ne sont pas capables de distinguer les besoins réels de ces besoins créés. Il semble aujourd’hui fondamental de prendre du recul, de redécouvrir des moments offline qui permettent d’assimiler les informations, de développer l’imagination, la création.
Dans son livre « Pour tout résoudre, cliquez ici ! L’aberration du solutionnisme technologique », le biélorusse Evegeny Morozov, écrivain chercheur spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technologique et du numérique, va plus loin et dénonce la doxa des entreprises de la Silicon Valley qui nous font croire que grâce à leurs innovations tous les aspects de notre vie seront améliorés et que la plupart des problèmes politiques et sociétaux seront résolus.
Attention donc ; l’auteur préconise de faire une pause et de prendre le temps de réfléchir "collectivement" sur les questions de société qui disparaissent de plus en plus devant l'attrait à la nouveauté.