jeudi 25 mars 2010

Du côté de Proust

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Encore une lecture de prose au théâtre. Au Théâtre La Bruyère à Paris (TLB), on lit Proust. Des "instants choisis", bien choisis pour faciliter une performance d'acteurs, bien choisis pour faire aimer Proust, donner envie de le lire, relire, silencieusement, seul.

Proust passe superbement le test de l'oralisation, cette théâtralisation minimaliste où l'on regarde l'acteur lire, assis sur une chaise. Les fameuses longues phrases trouvent une respiration juste. L'humour est mis en évidence, sans exagération. La finesse des analyses de Proust, leur subtilité, leur férocité s'imposent. Certains soirs, Marie-France Pisier lit, ironique et belle comme jamais. Proust lui va bien, elle le sert parfaitement

Les Editions Thélème qui publient des audio-livres sont les partenaires logiques de ces lectures. Leur catalogue philosophie et littérature est fourni. D'ailleurs, elles publient un coffret Proust : 111 CD pour "A la recherche du temps perdu". Elles ont également un catalogue Jeunesse - Rouge et Or (Victor Hugo, Daniel Defoe, Jack London, Théophile Gauthier, etc.).

Retour de l'oral. Comme au temps des lectures publiques de romans, souvent par les auteurs eux-mêmes (cf. par exemple les très nombreuses "readings" de Charles Dickens), ou en présence des auteurs (Les "Mémoires" de Chateaubriand lues en 1834 dans le salon de Madame Récamier). L'auditeur d'une lecture et le lecteur silencieux se trouvent dans des positions différentes. Tout ouïe, l'auditeur, aveugle, n'anticipe pas le texte, ne voit pas la ponctuation ; pour lui, les mots ne sont plus dans l'espace, sous les yeux mais dans la durée ; il suit, ne peut relire, s'arrêter sur un mot, réfléchir : il n'a pas la main, il est au concert. Pour l'acteur lecteur, le texte est partition, il en détache toutes les notes, respecte les durées, les silences, le rythme ; il joue "juste" des mots que la lecture silencieuse "prononce" souvent "faux", estropie parfois (cf. le "Verlesen" de Freud). L'acteur lit la prose comme des vers  ; ce que disait Mallarmé : "que vers, il y a sitôt que s'accentue la diction, rythme dès que style" ("Crise de vers").
La vitesse a sa place dans cet écart des lectures. La lecture orale débite 9 000 mots / heure, soit deux à trois fois moins que la lecture silencieuse. En anglais, on compte 250 à 300 mots / minute pour la lecture silencieuse, 150 seulement pour un audio-livre. Et c'est sans doute encore un peu moins pour la lecture au théâtre, où le lecteur est aussi acteur, usant des gestes, mimiques, pauses.
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