Irina Flige, Sandormokh. Le livre noir d'un lieu de mémoire, Paris, Les Belles Lettres, 167 p. Traduit du russe par Nicolas Werth
Ce livre noir est vraiment noir qui retrace une enquête menée dans les archives comme dans le pays même pour retrouver les lieux d'exécutions conduites, en 1937-1938, par les soviétiques. Le lieu est la Carélie, et les prisonniers ont été fusillés lors de la Grande Terreur. Les opérations d'ingénierie et de purification sociale qui se traduisent par cent cinquante charniers, vingt ans après la Révolution d'octobre en témoignent aujourd'hui.Ce livre raconte l'histoire d'un lieu de mémoire des répressions, Sandormokh, "cimetière mémoriel", et de ses 6241 victimes. Il est polyphonique, mêlant les documents secrets provenant du NKVD (ordres, rapports, télégrammes secrets) aux témoignages provenant des victimes (dernières lettres des condamnés, souvenirs, récits recueillis par l'auteure auprès des proches).
Que faire de cette mémoire qui réunit les morts, des détenus du Belbaltlag (construction du canal de la Mer Blanche à la Mer Baltique), de la Carélie et des Solovki ? La mémorialisation réunit des groupes divers : juifs et musulmans, ukrainiens et polonais, estoniens et lituaniens, tchétchènes et ingouches, tatars et finlandais, moldaves et roumains, azéris et géorgiens et d'autres, sont ici ensemble. On a demandé que la mémoire russe ne soit pas oubliée non plus. Un monument exhorte, reprenant un poème carélien : "Frère humains ! Ne vous tuez pas les uns les autres".
Ce livre met en garde en rappelant des souvenirs. Les lecteurs en sortent le moral abîmé.
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