500 expressions françaises bien décortiquées
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*Lire magazine*, hors-série, septembre 2024, 196 p., Index, 12,90€
On les a toutes, ou presque toutes, déjà lues ou entendues. Sans toujours
en connaîtr...
dimanche 3 avril 2011
De quoi sont faits les faits divers
Louis Chevalier, Splendeurs et misère du fait divers, Editions Perrin, 2004, collection tempus, 2010, 182 pages, 7€
Sous ce titre balzacien se dissimule un cours pour le Collège de France. Louis Chevalier est connu pour son travail sur l'histoire politique et sociale de Paris au XIXème siècle, notamment pour son livre intitulé Classes laborieuses, classes dangereuses (1958).
Qu'est-ce qu'un fait divers ? Expression curieuse qui, à la notion de "fait" pour la fabrication, ajoute celle de "divers" pour y classer ce qui n'est pas classable ailleurs : catégorie résiduelle d'une taxonomie documentaire et journalistique insuffisante (d'ailleurs, les manuels de journalisme s'y empêtrent). Marielle Macé ne voit-elle pas dans certains Petits poèmes en prose du Spleen de Paris, des "détournements de faits divers"... (in Le genre littéraire, p. 108, GF). Charles Baudelaire lui-même stigmatisait les gazettes : " Le journal, de la première ligne à la dernière, n'est qu'un tissu d'horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d'atrocité universelle. // Et c'est de ce dégoûtant apéritif que l'homme civilisé accompagne son repas de chaque matin." (in "Mon coeur mis à nu").
La place du fait divers dans la presse est difficile à établir, entre voyeurisme louche et commercial d'une part, approche des faits sociaux sans légitimité scientifique (politique, démographique) d'autre part. Crimes, people, vécu (cf. le sous-titre du magazine Closer), le fait divers reste un plat de résistance au menu des médias. Un magazine récent le revendique, Polar et Crimes, "magazine de Faits Divers" mais il y a aussi Les Archives du crime, Dossiers criminels, et bien d'autres, et il reste Détective lancé en 1928 par Gallimard où ont écrit Kessel, Carco, Mac Orlan, Albert Londres, et qui est chaque semaine dans les kiosques.
Les faits divers criminels alimentent de nombreuses séries à la télévision ("Dexter", "CSI", "Criminal Minds", etc.) et des chaînes à temps plein : truTV, Crime and Investigation Channel, AXN Crime, Sky Krimi, RTL Crime, etc.
Louis Chevalier s'intéresse en historien au fait divers et en détecte les traces chez les romanciers du XIXème siècle (Hugo, Stendhal, Balzac, Dumas...). Le fait divers accède à une dignité sociale et même philosophique : l'auteur évoque Marx, journaliste pour le New York Tribune, dont les articles partaient d'un fait divers pour lancer une réflexion politique. Le fait divers intrigue : Merleau-Ponty et Barthes y trouvent pâture universitaire; Georges Auclair décèle "Le Mana quotidien" en analysant les "Structures et fonction de la chronique des faits divers" (1970). Au tout premier âge de Libération, la rédaction voyait dans le fait divers un objet de prédilection du journalisme politique... Le cours de Louis Chevalier s'achève sur une longue référence à Hitchcock, plus éclairante que beaucoup de théorie, à propos de son film "L'inconnu du Nord-Express", ("Strangers on a Train", 1951).
De la rubrique des "chiens écrasés" aux analyses de Michel Foucault (Moi, Pierre Rivière...) en 1973 (dont on fera un film), les faits divers ont gagné en légitimité. Cet ouvrage agréable n'en élucide pas la logique médiatique et l'on reste sur sa faim quant au rôle manifestement important du fait divers dans la construction de l'actualité par les médias et dans sa réception par les lecteurs (mentionnons à ce propos l'ouvrage de Laurent Briot sur La France des faits divers qui exploite la presse régionale). On ne sort pas du paradoxe du fait divers : à la base des romans, des films, des médias de toutes sortes, il reste relégué, mal pensé. Sans doute faut-il remettre en question les classements qui rejettent tous ces faits dans une même catégorie sans raison. Le fait divers n'existe pas, il n'ya que des faits. D'ailleurs, comment un moteur de recherche les reclasse-t-il, ces "faits" sans mot propre ? A partir de quelle requête débouche-t-on sur un de ces "faits" avant qu'un média les ait baptisés et catégorisés "divers"?
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