dimanche 30 novembre 2025

Une drôle d'histoire et une brillante épistémologie : Clovis baptisé

 Bruno Dumézil, Le Baptême de Clovis. 24 décembre 505 ?, Paris, Gallimard, 311 p., Bibliogr., Index des noms 

Voici un drôle de roman policier : Clovis a-t-il été baptisé, quand, où, avec qui ? Bruno Dumézil entraine ses lecteurs / lectrices dans trois cents pages d'aventures et de doutes, d'interrogations, de réfutations bien au-delà de la vie du personnage de Clovis. "La somme des peut-être" dépasse largement celle des certitudes, et c'est très bien : le métier d'historien est là, son "territoire" aussi. Donc il faut faire avec. Aussi, nous suivrons l'auteur quand il évoquera les multiples hypothèses, les réfutant une à une prudemment. Ces "méditations" s'achèvent par quelques conclusions, quelques faits indiscutables : "un roi franc nommé Clovis a bien été baptisé dans le rite nicéen, très probablement par un groupe d'évêques qui comprenait Rémi de Reims".

Le démontage suivi du remontage des événements à partir d'une nouvelle hypothèse, autant d'opérations tentées de nombreuses fois mais qui chaque fois doivent être abandonnées car cela ne marche pas, du moins pas tout à fait. L'historien apparaît alors, au bout de toutes ces opérations de redressement, comme un bricoleur de talent... qui échoue. Et c'est là sa réussite, ce livre.

Il faut lire cet ouvrage comme une histoire qui hésite puis échoue brillamment mais on peut aussi le lire comme un ouvrage d'épistémologie des sciences historiques. De plus, le livre est écrit avec élégance et humour. A lire donc.

lundi 17 novembre 2025

Qui furent les cathares ? Quelle est leur histoire ? Qu'en dit l'Histoire ?

 Arnaud Fossier, Les cathares, ennemis de l'intérieur, Paris, La Fabrique éditions, 2025, 191 p. notes

Ce petit ouvrage s'est donné pour objectif d'établir la vérité sur l'histoire des cathares. Toute la vérité ? Non, mais la vérité possible compte tenu des sources acceptables .... et elles sont rares. "L'objectif de ce livre est d'expliquer de quoi les cathares furent le nom, en prenant au sérieux les source dont nous disposons, mais aussi en mettant à bonne distance nos fantasmes sur le caractère prétendument "précurseur" des cathares", déclare Armand Fossier en introduction.
L'auteur est normalien, il enseigne l'histoire à l'Université de Bourgogne. Son ouvrage est complet comme en témoignent les abondantes et précises notes réunies en fin d'ouvrage ; mais le livre manque d'index et d'une bibliographie organisée, c'est bien dommage.

Ce livre sur les cathares examine l'une des hérésies "les plus célèbres du Moyen-Âge", entre 1160 et 1320. Cette histoire revint au goût du jour aux débuts de la Cinquième République. avec un grand nombre de best-sellers. La critique, souvent ironique, du livre de Emmanuel Le Roy Ladurie (Montaillou, village occitan de 1294 à 1324,  Paris) qui fut un grand succès médiatique et de librairie, est féroce. Quid de l'histoire "immobile" ? Que vaut le témoignage du registre de l'inquisiteur Jacques Fournier sur lequel se fonde souvent le livre ? Quel sont les filtres (culturels, socio-linguistiques) des dépositions des accusés, autres que "les procédés d'enquête du juge" ?

Conclusion : "la persécution crée l'hérésie" (p.165), or la persécution cesse avec le début des années 1300. L'auteur se fie plutôt aux travaux de Jean-Louis Biget (Mythographie du catharisme) qui voient dans l'épuisement du catharisme l'un des effets des changements économiques et dans le développement du rôle intellectuel de l'université de Toulouse. 

L'ouvrage est très agréable à lire, et décapant. En fait, l'auteur effectue surtout, aussi, à propos de l'histoire, un travail épistémologique qui pointe les principales sources de nos erreurs. C'est un travail de rectification, dirait Gaston Bachelard.