Francis Démier, Le coup d'Etat du 2 décembre 1851, Perrin, 463 p. Bibliogr., Index, 32 pages de notes.
Le Professeur Francis Démier, historien, est un spécialiste de la France du XIXème siècle. Son histoire du coup d'Etat est un livre très bien écrit, extrêmement documenté et précis (la presse de province est incroyablement présente ; sont présents aussi, par exemple, de manière systématique, les fonctionnaires locaux, préfets et sous-préfets). Du bon travail d'universitaire, et aussi de l'élégance et du style : le livre se lit comme un très bon roman et l'on découvre, en refermant l'ouvrage, que l'on a beaucoup appris. Sur les événements politiques mais aussi sur les événements économiques. Ainsi "l'appareil d'Etat", mis en oeuvre par le coup d'Etat, servit parfaitement Napoléon III et le "coup d'Etat de 1860", qui n'est pas de même nature que celui de 1851, allait assurer une mutation économique du capitalisme français.
Beaucoup d'informations sur le personnage du neveu de l'empereur mort à Sainte-Hélène : le président de la République, en bon héritier, sait utiliser à son profit l'image de son oncle si célèbre. Mais Napoléon III sait aussi gouverner : préfets et sous-préfets épurés, conseils municipaux dissous, maires révoqués...
Le livre décrit minutieusement les dispositifs militaires ; le coup d'Etat a été préparé dans les moindres détails : "dans plusieurs mairies, les tambours ont été crevés. Impossible de sonner le tocsin, les clochers sont gardés et souvent on a coupé les cordes" (pp;147-148).
On trouve à l'oeuvre, dans le livre, des notions (des concepts ?) mal définies et peut-être peu adéquates telles celle d'"appareil d'état" tellement confuse et qu'on ne peut sans doute définir que pour une période et un régime politiques. L'auteur semble mobiliser cette notion d'appareil d'Etat faute de mieux ; ainsi, p. 231, "les notables ... apparurent aux yeux de l'appareil d'Etat" (faut-il percevoir une allusion aux "appareils idéologiques d'Etat" ?). Ensuite, sont mentionnés le préfet puis le ministère de l'Intérieur.... Ailleurs, Francis Démier mentionne "les agents de l'Etat, préfets, procureurs généraux, officiers supérieurs" (p.251) ou encore "la main de fer de l'appareil politique bonapartiste" (p. 270). De même est-on mal renseigné sur la bien trop vague "sociologie de la province insurgée "(p. 234), mais sans doute ne pouvait-on faire mieux : drame de l'historien condamné par les limites de ses données ! Plus loin, l'auteur conclut que "si la bourgeoisie a vaincu la révolution, c'est qu'elle s'est appuyée sur la force militaire et administrative sans faille de son appareil d'Etat" (p. 342). On regrette d'ailleurs de ne pas connaître les points de vue de l'historien sur son travail, ses difficultés, ses renoncements, son organisation, ses outils. Karl Marx est souvent cité, évoqué parfois mais rarement critiqué. Il en va de même pour le comte de Tocqueville. Enfin, nous faut-il trouver, comme Karl Marx, que Napoléon III est "médiocre et grotesque" ? C'est un peu vite dit !
Et l'on voit les héros de l'époque, Victor Hugo surtout qui, après avoir courtisé Louis Napoléon, dénonce le coup d'Etat, s'enfuit et s'établit dans les îles voisines, pour un exil de dix-neuf ans. Le coup d'Etat s'avère une réussite et une victoire imposante pour Louis-Napoléon qui se fait appeler empereur ; et c'est aussi une défaite complète pour les opposants. Le livre de Francis Démier éclaircit la situation sans toutefois se prononcer sur le bilan du second empire. Prudence scientifique qui appelle d'autres travaux, si possible, et qui souligne encore l'insatisfaisante réussite de la science historique.
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