Yishaï Sarid, Le monstre de la mémoire, roman traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz, Actes Sud, 2020, 158 p., 18,5 €
Il s'agit d'un roman. Peut-être. En tout cas, l'éditeur le déclare. Un roman historique puisque le héros, un israélien, guide les visiteurs, d'abord des lycéens et lycéennes, dans les camps de concentration allemands en Pologne : Chelmno, Treblinka, Auschwitz, Birkenau, Sobibor, Belzec, Majdanek...
Cet ouvrage est en fait une très longue lettre au président de Yad Vashem, "le représentant officiel de la mémoire" (Yad Vashem est en Israël le lieu du souvenir des victimes juives du nazisme). L'auteur, lui, raconte ce qui l'a conduit à son métier de guide dans les camps d'extermination nazis et comment il a fait son métier.
D'abord, il apprend l'allemand puis rédige sa thèse de doctorat qui compare "les méthodes d'extermination mises en oeuvre dans les camps de la mort allemands". On le suit donc dans ses visites, et l'on apprend les moindre détails. Les lycéens se drapent du drapeau d'Israël, kippas sur la tête et chantent l'hymne israëlien, Ha Tikva ("L'espérance"). Mais aussi le curieux sentiment qui s'empare des auditeurs : "Et un dernier point qui s'est lentement imposé à moi au fil des années : l'admiration secrète qu'éveille le meurtre perpétré avec une telle détermination, avec un brio conjugué à l'audace exigée pour mener à bien cet acte - si précisément défini - de cruauté ultime après quoi il n'y a que le silence".
La thèse pour le doctorat sera soutenue et publiée avec des illustrations photographiques. L'auteur mentionne des faits, à l'occasion ; ainsi rappelle-t-il les faibles effectifs qui constituaient l'encadrement de chaque camp (30 Allemands à Treblinka plus 150 Ukrainiens et 600 Juifs). Le héros, modestement rémunéré, participe aussi à la mise en scène d'un jeu vidéo sur Auschwitz, comme conseiller ; il accompagne des officiels aussi, des militaires, des diplomates, un cinéaste... La vie passe, son fils grandit...
L'ouvrage raconte ainsi, dans les détails, l'histoire des camps d'extermination, et la vie de guide régulier dans les camps... Mais la vie du narrateur est rongée par ces faits historiques qu'il a appris et récités si précisément aux visiteurs...
L'ouvrage, le roman, est excellent, bien écrit (très bien traduit donc). Beau travail d'historien aussi. L'auteur rend présentes la vie et la mort dans les camps, sobrement. Et les réactions d'un israélien à cette histoire.
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