mardi 11 novembre 2014

Mondialisations anciennes et actuelles


Justin Jennings, Globalizations and the Ancient World, Cambridge University Press, 2011, 206 p., Bibliogr., Index, 20 €

La mondialisation est une vielle histoire. Colonisations, conquêtes, impérialismes religieux divers... Les réflexions courantes se basent surtout sur l'histoire occidentale récente (cf. "Empire et impérialismes"). Avec ce livre, pour mieux fonder le concept de mondialisation, l'auteur élargit le domaine de l'analyse à l'archéologie et à d'autres civilisations, à d'autres époques : Cahokia (Mississipi), Uruk (Mésopotamie), Wari (Andes).
Les notions mis à jour dans l'ouvrage peuvent-elles enrichir l'analyse de la mondialisation des médias dans leur forme numérique, au-delà des intuitions de Marshall McLuhan sur le village mondialisé ("global village") ?

Une grande partie de l'ouvrage est consacrée à l'histoire intellectuelle de la notion de mondialisation telle que l'ont développpée les historiens. L'auteur demande, préalablement, que soit mis fin à la séparation arbitraire entre monde moderne (le nôtre) et monde ancien (antique) afin que la mondialisation actuelle ne soit pas perçue comme le simple aboutissement d'une évolution d'une forme unique. Il existe, selon lui, différentes formes de mondialisation, indépendantes les unes des autres, qu'il faut étudier dans leur diversité plurielle afin de construire un concept fécond de globalisation.

L'établissement d'une culture mondiale se caractérise selon Justin Jennings par plusieurs tendances (trends) ; retenons : la compression de l'espace et de la durée (le monde semble plus petit), la déterritorialisation, la standardisation, l'homogénéisation culturelle, l'accroissement de la vulnérabilité (exemples : insécurité de l'emploi, propagation des crises...).
Ces tendances une fois établies, l'auteur confronte les observations provenant de l'expansion du Mississipi, d'Uruk et Wari avec les formes de mondialisation présentes dans les sociétés actuelles. Cette confrontation est d'autant plus délicate que, en réaction à la mondialisation, les sociétés mondialisées développent des résistances, provoquant l'indigénisation, le retour réactionnaire à la culture première, locale ("re-embedding of local culture") et la différenciation (unevenness).

Parmi les conclusions de son travail, Justin Jennings souligne que les cultures mondialisées sont mortelles. Celles qu'il a étudiées ont duré de 400 à 700 ans. Intégration et régionalisation se succèdent en cycles : si notre vague de mondialisation a commencé au XVIe siècle, elle touchera bientôt à sa fin. Peut-on se préparer au cycle suivant ? Comment, dans ces descriptions, situer la mondialisation numérique ? Constitue-t-elle des "économies-mondes" (Fernand Braudel) avec des centres en Californie et en Chine ? Est-elle inévitable, liée (comment ?) au modèle économique d'entreprises comme Google, Apple, Amazon, Microsoft, Facebook, Baidu, Alibaba, Tencent ? Toute mondialisation des technologies entraîne-t-elle la mondialisation des consommations culturelles, des goûts ? Le débat ne fait que commencer ; au moins, cet ouvrage nous épargne les dénonciations rituelles et étend quelque peu les territoires de l'analyse à d'autres espaces, à d'autres époques.

N.B. Flammarion vient de rééditer un texte classique de Fernand Braudel (1985) où se trouve abordée la notion d'économie-monde : La Dynamique du capitalisme, 2014, Champs Histoire, 109 p. 6 €.

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