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Nicolas Offenstadt, En place publique. Jean de Gascogne, crieur au XVe siècle, Paris, Editions Stock, 268 p., Bibliogr., Index, 20 €
Le crieur, bien avant le journal, bien avant la radio, donnait les nouvelles officielles. Il est aux origines de la communication publique en Europe.
En place publique est un ouvrage de chercheur, d'historien, ouvrage méticuleusement documenté et argumenté au point qu'il pourrait faire fonction de manuel, car c'est, en acte, un discours sur la méthode en sciences sociales et, même, en journalisme.
Il s'agit d'une biographie difficile, celle de Jean de Gascogne, personnage modeste de la vie urbaine à laquelle il participe diversement : il ouvre et ferme les portes de la ville, il est guetteur, valet ou manouvrier (préparation des armes, réparation de fortifications, manutentions de toutes sortes lors des incendies, des foires, etc. Toutes ces activités s'ajoutent à son métier de crieur. Jean de Gascogne a une longue vie active, quarante années ; à travers elle, l'auteur fait connaître le quotidien du "petit peuple", peuple sans histoire, scrupuleusement, sans inventer (modéliser !) à partir des archives disponibles, exclusivement.
Cette analyse du métier de crieur permet de réfléchir à l'articulation entre écrit et oral dans l'histoire de la communication (question paradoxale : le crieur sait-il lire ?), elle permet aussi d'approfondir la notion d'espace public au Moyen-Âge. Quant à l'environnement de communication, le cri doit faire sa place dans l'encombrement sonore, concurrencé, notamment, par les sonneries de cloches, nombreuses.
Mais le crieur n'est pas seulement un porte voix : il incarne l'autorité et n'est en rien un personnage folklorique, souligne l'auteur. Le crieur intervient dans des situations rituelles, garantes de son efficacité symbolique. Agent de la communication économique, il "crie" toutes sortes d'annonces y compris les appels d'offre pour les marchés de travaux publics, les ventes d'héritages et de gages. Au cœur d'un espace réticulaire ("tournée du cri") marqué par la régularité, les crieurs propagent le discours officiel, celui du roi mais aussi celui de la ville. Jean de Gascogne représente la ville, il est habillé à ses couleurs (livrée) pour accomplir des cérémonies officielles : présentation des cadeaux de la ville (vin) aux visiteurs, aux prélats, accompagnement d'ambassades de la ville à la rencontre du roi.
Jean de Gascogne est un des hommes à tout faire de la ville de Laon tout autant qu'un personnage clé, banal et familier ; souvent dans la rue dont il est un personnage public, intermédiaire entre les pouvoirs et le peuple, il est source d'information pour les habitants. C'est un homme média que remplacera la PQR quand presque tout le monde saura lire. Mais, le remplace-t-elle ?
Du même auteur, sur le même sujet : "Les crieurs publics à la fin du Moyen Âge. Enjeux d’une recherche", in Claire Boudreau, Information et société en Occident à la fin du Moyen-Âge, Publications de la Sorbonne, 2004.
Voir aussi notre post sur Patrick Boucheron, Nicolas Offenstadt et al., L'espace public au Moyen-Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, Paris, PUF, 1991, 370 p.
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