Jean-Marc Décaudin, Thierry Saint-Martin, Les Panels. Les panels au coeur de la démarche marketing, Pearson, 242 p. Index, Glossaire
Le marketing se nourrit, parfois jusqu'à l'indigestion, de données fabriquées par des panels. Internet en fait baisser les coûts de production (distribution, recrutement, traitement des données, etc.) aussi les panels en ligne se multiplient mais la méthodologie ne semble pas avoir progressé. La représentativité est toujours discutable, la déclaration des panélistes aussi.
Ce manuel passe en revue les différents types de panels qu'exploitent le marketing et la publicité : panels distributeurs, panels consommateurs, panels pour la mesure des audiences ainsi que les panels dits de "source unique". Les auteurs ont mis l'accent sur le rôle et l'utilisation des panels, sur la description du marché français des panels. Ils n'abordent pas le traitement statistique des données panels, sujet déjà bien couvert (cf. infra) et concentrent leur attention sur le "comment ça marche", "comment on s'en sert". L'ouvrage constitue un outil de travail et de culture marketing de base. Tout étudiant se destinant au travail dans les médias, dans la publicité, dans le numérique (Web marketing, data, etc.) et, évidemment, dans le marketing (chez les annonceurs ou les distributeurs) doit comprendre et connaître à fond les logiques des panels, leurs utilisations, leurs limites. Ce manuel, propédeutique, est adapté à leurs besoins.
De plus, l'ouvrage fourmille, en incises, d'anecdotes significatives : par exemple (p. 52), on y apprend ainsi que Wal-Mart a longtemps refusé de collaborer aux panels distributeurs pour ne reprendre sa collaboration qu'en 2012. On y notera aussi le côté discret et si peu people des patrons de la grande distribution allemande (Aldi, LidL) qui ne se prennent pas pour des stars, tranchant avec l'immodestie de ceux des grandes entreprises américaines du Web qui prophétisent à tout-va, urbi et orbi.
Les auteurs mettent bien en évidence la « brique élémentaire » du marketing qu'est le code-barres (EAN) ; en revanche, ils nous semblent sous-estimer l'évolution nécessaire de la brique géographique, qui devra aller bien en-deçà de la région (adresse IP, GPS, indoor location, etc.). La question du e-commerce est abordée, celle du drive aussi qui chamboulent la géographie du marketing et l'urbanisme commercial, donc la constitution des panels. D'une façon générale, l'ouvrage sous-estime les effets que la révolution numérique ne manquera pas d'avoir sur les panels et, par conséquent, sur l'analyse et la stratégie marketing. Nous pensons par exemple aux données produites par des capteurs dans les points de vente, par la reconnaissance faciale, par les supports mobiles, par Facebook et les réseaux sociaux (cf. La stratégie Facebook de Walmart), entre autres. Facebook n'est-il pas le gigantesque et le plus riche des panels. Cette sous-estimation est un effet nécessaire de l'exposition et des objectifs primordiaux des auteurs : dire l'état actuel, opérationnel, des panels en France. La dimension des panels est de plus en plus internationale, ce qui avance aux Etats-Unis se propage bientôt en Europe et en France (cf. Online GRP. Nielsen vs comScore)...
Peut-être manque-t-il à ce manuel une dimension plus épistémologique, une réflexion plus radicale sur le monde de production des données de panel qui mettrait davantage l'accent sur les limites induites par la notion-même de représentativité (les quotas, le recrutement de plus en plus difficile de panélistes), par celle de zone de chalandise et par celle de déclaration, notamment. Pire, celle de "chef de famille" (p. 118) héritée d'un autre siècle : beaucoup de familles vivent en démocratie ! En fait, nombre de notions clés du marketing traditionnel sur lesquelles reposent les panels, correspondent de moins en moins à la société de consommation actuelle et devront être bientôt reconsidérés.
Notons encore que peu de panels sont audités, ce qui pose un problème quand ces panels servent au cadrage d'études d'audience.
L'index et le glossaire, bienvenus, mériteront, pour une nouvelle édition, d'être sérieusement enrichis ; d'ailleurs un index des noms : entreprises, panels, etc. serait utile.
Tout ce qu'il faut savoir des panels n'est pas dans ce livre mais tout ce qui est dans ce livre est indispensable.
Voir aussi :
- Patrick Sevestre, Econométrie des données de panel, Paris, Dunod, 2002, 224 p.
- Régis Boubonnais, Michel Terraza, Analyse des séries temporelles, Paris, Dunod, 2010, 352 p.
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