Patrick Modiano, Chevreuse, Roman, Paris, Gallimard, 2021, 159 p.
Le roman se passe entre Paris et la vallée de Chevreuse. Il y a des voyages en voiture, depuis Boulogne-Billancourt, vers la porte Molitor, vers Auteuil puis vers la vallée de Chevreuse. Il y a aussi le café de la place Blanche, ou celui de Saint-Lazare, la terrasse vitrée du restaurant Murat, la porte d'Auteuil, la rue Pierre-Charron, la Cité universitaire, le parc Montsouris, le boulevard Jourdan, la porte d'Orléans, la gare de Lyon. Le livre n'est aussi qu'une complexe déambulation dans Paris, et, parfois, sur la côte d'Azur.
Parfois, on a l'impression que nous manquent les éléments cartographiques qui nous aideraient à comprendre, à moins que, se perdre dans ces lieux ne fasse partie du jeu. Il y a bien un schéma dans le roman mais cela ne suffit pas. Les héros du roman que l'on lit sont aussi les héros d'un roman que l'auteur est censé écrire. Le lecteur se perd dans les saisons du roman, mélange les moments et les romans et finit par ne plus très bien savoir où le héros en est. Le lecteur est perdu, comme les personnages du roman.
L'auteur recompose ainsi le monde de son enfance, ses personnages. "Mais il eut un vertige en voyant brusquement apparaître comme sur l'écran d'un appareil de radiographie les liens qui unissaient les unes aux autres ces personnes. En quinze ans, ces liens s'étaient ramifiés et formaient avec de nouveaux venus un réseau très serré dont il faisait lui aussi partie, à son insu, comme au temps de son enfance". C'est donc un réseau social que décrit l'auteur, un réseau tel qu'il se forme dans son esprit ou tel que son esprit le forme, petit à petit.
"On est de son enfance comme on est de son pays", conclut le romancier. Patrick Modiano décrit les faits, les gestes et les pensées de son héros. Quand on a fini de le lire, il faut recommencer pour mieux comprendre. Et, recommencer encore pour bien situer les relations entre les personnages, entre les moments de l'histoire. Et le plaisir s'accroît à la relecture. C'est un très beau roman, fertile et aventureux où il fait bon se perdre puis se retrouver.