mardi 22 mai 2018

Hachette, une histoire si française des médias



Jean-Yves Mollier, Hachette, le géant aux ailes brisées, 2018, Paris, Les éditions de l'atelier, 198 p.

Cet ouvrage d'historien - Jean-Yves Mollier est Professeur d'université en histoire - raconte l'histoire d'une entreprise fondée en 1826, c'est l'histoire d'un monopole et de son effritement. On doit déjà à Jean-Yves Mollier, spécialiste de la presse et du pouvoir, une biographie de Louis Hachette.
Hachette fut une entreprise clé des médias traditionnels en France pendant près de deux siècles. Elle en marque l'histoire et la géographie : elle est au cœur du développement de l'édition de livres et de leur distribution, au cœur du développement de la presse et de sa distribution (NMPP, devenue aujourd'hui Presstalis, gérée par les coopératives d'éditeurs).
Son histoire est indissociable de l'histoire économique et politique de la France, elle en est un miroir.

Mais évoquons les débuts. D'abord, un personnage, Louis Hachette, fils d'une lingère, normalien ; tout au long de sa vie, il reste latiniste et helléniste, angliciste, juriste. Mais, faute de pouvoir devenir un "intellectuel" comme on les appellera un peu plus tard (au moment de l'Affaire Dreyfus), il se lance dans le commerce et l'édition scolaire puis dans l'implantation des bibliothèques de gare en 1852 (développées en Angleterre par W. H. Smith, depuis 1848). Les bibliothèques de gare constituent une remarquable anticipation de l'affinité avérée, transports, loisirs et médias : gares et aéroports ne sont-ils pas en train de devenir des centres commerciaux. Hachette combine la distribution et l'édition de livre (Bibliothèque des chemins de fer). La Librairie Hachette a même mis en place un service de publicité efficace, dirigé par Emile Zola (1862-1866) ; celui-ci recommanda à la Librairie de prendre la tête du mouvement littéraire de la jeune génération" ; il ne fut pas entendu.
Les innovations exploitées par Hachette sont nombreuses : l'édition scolaire, les bibliothèques de gares et les kiosques pour distribuer ces médias (un réseau qui comptera 81 000 points de vente en 1937), le livre de poche en 1953 (une idée de Jules Taillandier en1915)... Hachette, c'est aussi Le LittréFrance Soir, Paris Match, Elle, Télé 7 Jours et des dizaines d'autres titres. Et puis, surtout Hachette Livre, devenu un des premiers groupes mondiaux d'édition.
Servie par ses relations politiques et économiques successives, l'entreprise Hachette ne manqua pas les occasions de s'étendre. Mais elle en manquera toutefois certaines : ainsi elle laissera passer le club du livre de France Loisirs (une initiative de Bertelsmann, 1970). Globalement, Hachette aura été pour longtemps un acteur majeur de l'économie des médias français, contribuant à la structuration même du paysage médiatique.
Mais, Hachette / Lagardère, c'est d'abord le papier, ses technologies, ses métiers. Le groupe échoue à s'implanter dans la télévision commerciale grand public, d'abord en 1987 avec l'échec de Jean-Luc Lagardère pour acquérir TF1 (repris par Bouygues), puis, en 1992, l'échec douloureux de La Cinq (1992). Symptômes précurseurs. Lui succédera, non sans aveuglement parfois condescendant, l'incompréhension de l'économie numérique, et de ses nouveaux concurrents, Amazon et Google, notamment. La suite est en train de s'écrire avec la vente des actifs média et un recentrage stratégique sur le travel retail et l'édition.

Cette histoire d'un pan majeur des médias illustre deux caractéristiques essentielles du capitalisme à la française, et des médias : d'abord, la recherche du monopole et, pour cela, la compromission continue avec les pouvoirs politiques en place, ce qui inclut la censure, dont celle demandée par les nazis. Cette compromission semble s'exercer au détriment de la lucidité économique, stratégique ; si elle est décourageante, elle favorise aussi les stratégies de conservation. L'auteur détaille l'exploitation par Hachette de ses relations avec les gouvernements de tous bords, y compris avec l'armée nazie lorsqu'elle occupe la France, avec les gouvernements de Pétain et les suivants. Hachette assurera la distribution de la presse nazie en France, Signal, Deutsche Zeitung in Frankreich, ce qui lui rapportera beaucoup.
On apprend, par exemple, dans ce livre que les NMPP (contrôlées par Hachette à 49%, aujourd'hui Presstalis), ont versé, en 1967, des émoluments élevés à François Mitterrand, à Michel Rocard au titre de "frais d'études publicitaires". Investissements habiles, prudence politique ! Quant à la morale, c'est une autre histoire. Tout cela confirme à quel point le financement des partis et des personnels politiques est un problème d'hygiène politique grave.
L'accumulation des combines, des magouilles politico-financières qui émaillent la longue histoire d'Hachette finit par écœurer. En fait, c'est d'un véritable d'un modèle économique qu'il s'agit, hérité de la monarchie et des privilèges, modèle peu compatible avec la l'internationalisation numérique.
On peut alors se demander si l'Etat n'est pas le pire des maux qui puisse arriver au monde des médias.
Le travail de Jean-Yves Mollier est précieux pour comprendre en profondeur l'économie des médias à la française, il révèle son inconscient et ses faiblesses... coupables. A partir de la télévision et surtout de développement du numérique, l'ouvrage est moins convaincant. Mais il ne s'agit plus d'Hachette.
Indispensable.


Références

Elisbeth Parinet, "Les bibliothèques de gare, un nouveau réseau pour le livre", Romantisme. Revue du dix-neuvième siècle, N° 80, 1993.

François Denord, Paul Lagneau-Ymonet, Le concert des puissants, Paris, Raison d'agir, 2016, 141 p.

Jean-Yves Mollier, Louis Hachette, Paris, Fayard, 1999.

lundi 14 mai 2018

Actualité : Marx aurait 200 ans


Karl Marx, mai 1818 - mai 2018. Double actualité.
Une campagne publicitaire rappelle cet anniversaire aux voyageurs en gare de Francfort à l'occasion d'une émission historique de la chaîne de télévision franco-allemande, ARTE. "La publicité est l'opium du peuple", slogan calquant la fameuse affirmation de Karl Marx et simulant un graffiti qui détournerait le sens de l'affiche. Le détournement de la publicité est détourné au service de la publicité, juste retour des choses ! Mais ne faudrait-il pas plutôt dire "médias = opium du peuple" ? Car, si opium social il y a, ce sont plutôt des plateformes numériques, médias ou réseaux sociaux qu'il s'agit...

Panneau publicitaire pour une émission de télévision sur ARTE: "Publicité = opium du peuple"
Mobilier Ströer, sur un quai en gare de Francfort (Allemagne), mai 2018
En même temps que les programmes consacrés à cet anniversaire par ARTE, un film récent sur "le jeune Karl Marx", par Raoul Peck, passe encore dans les salles d'art et d'essai, en France comme en Allemagne.

Le film d'abord. 
Il met en scène l'élaboration journalistique de la philosophie marxiste, de critiques en polémiques, chaque article en marquant une étape : contre Hegel (et sa philosophie du droit, texte où se trouve la phrase sur la religion), contre Ludwig Feuerbach (et sa philosophie du christianisme), contre Joseph Proudhon (et sa "Philosophie de la misère"), etc... Tout ce monde, c'est une Sainte famille, ironisera Karl Marx ; Jenny Marx, son épouse et collaboratrice, proposera le sous-titre du recueil d'articles : Kritik der kritischen Kritik !
Le  film imagine et saisit la rencontre décisive de Karl Marx avec Friedrich Engels. Fils d'un industriel du textile, Friedrich Engels se frotte depuis plus de deux ans à l'économie réelle, à l'usine, et il a déjà rédigé un article lucide sur la "situation de la classe ouvrière en Angleterre" ("Lage der arbeitenden Klasse in England"). "Kolossal", reconnaît Marx. Et cela s'arrose !
Des images de manuscrits raturés et repris sans fin, la difficulté de publier et de se faire payer, les réunions politiques, les votes des motions... Au milieu de tout cela, Jenny accouche d'une petite Laura, la famille déménage... Engels vient à son secours. "Argent sale" dira sa compagne.

La double ambition du film : des concepts et des personnes
Comment montrer au cinéma l'élaboration d'une philosophie ? Les concepts n'ont pas d'image... L'auteur du film, Raoul Peck, qui n'est pas un débutant, s'y essaie pourtant, lui qui a déjà mis en scène et filmé les idées et la vie de Patrice Lumumba, de James Baldwin ("I am Not Your Negro", 2016). Le film réussit l'équilibre délicat de l'histoire politique et des histoires personnelles qui la portent et la font (l'interprétation du monde et sa transformation, dans les termes des Thèses sur Feuerbach). Les jeunes Karl et Jenny Marx, Friedrich Engels et Mary Burns, sa compagne, apparaissent bien vivants, concrèts... et l'histoire politique se déroule qui les dépasse et les emporte. Talent de montage, de prise de vue, d'écriture aussi. On pense parfois à Eisenstein...
Exemple : la première scène du film qui en donne le tonalité générale : derrière le cliquetis des concepts, derrière la philosophie du droit, il y a la violence bien réelle du pouvoir prussien. Plans de cavaliers armés s'acharnant sur des familles ramassant de bois mort pour évoquer l'un des premiers articles de Karl Marx à propos d'une "loi sur le vol de bois" ("Debatten über das Holzdiebstahlsgesetz", 1842).
Le film s'achève avec la gestation du Manifeste du parti communiste (Londres, 1848 ; Marx a 30 ans).
Raoul Peck a réalisé le portrait d'un jeune Marx peu connu, un Marx amoureux, jeune père de famille, fauché, sympathique, tacticien, orateur. Le film raconte le début d'une surprenante aventure politique  conduite par des intellectuels romantiques et bohème, bons vivants - vin et cigares - intellectuels européens forcés d'émigrer sans cesse... de la Rhénanie prussienne à Paris, puis à Bruxelles, et enfin à Londres... Difficile défi que de vouloir montrer la naissance et la vie des concepts, en action. La théorie n'est pas si grise, elle peut même être grisante ! Au bout de l'histoire, Das Kapital, que le film n'aborde pas (c'est le vieux Marx !).
Affiche du film (à Weimar)

Revenons à la publicité. 
"Opium du peuple", au même titre que la religion ? Soupir de la créature opprimée ("Seufzer der bedrängter Kreatur") ? Soit. Mais Marx n'a pas connu la publicité. Les épigones, après lui, l'ont ignorée aussi, car dénoncer n'est pas analyser, et rarement comprendre. Une tentative, peut-être, Guy Debord et sa "société du spectacle" ?
La publicité est aujourd'hui partie intégrante de l'échange économique, de la distribution, de la commercialisation (marketing), de la gestion d'une entreprise. Un média, c'est d'abord ce qui fabrique des emplacements pour la publicité et la collecte d'audiences, d'attention (eyeballs). En échange, le média est rémunéré. Alors, comment traiter la publicité ? Aliénation, fétichisme de la marchandise ? Accumulation d'images de marchandises, de spectacles des produits et des marques ? Sans doute mais d'abord distribution de produits ; il faut remettre la dialectique publicitaire sur ses pieds. Sinon, elle marche sur la tête et ne saurait penser l'importance inattendue de Facebook, de Google et de toutes les entreprises produisant des services en échange de la collecte de données (monétisation, sic) ?
Mais, avec la commercialisation de données personnelles, où est passée l'extraction de la plus-value, demanderait le Marx de la maturité, celui du Capital ?


Références
Les textes de Marx et Engels cités se trouvent dans le volume 1 des Marx Engels Werke, Dietz Verlag, Berlin.
  • "Debatten über das Holzdiebstahlsgesetz", Rheinische Zeitung, 25/10/1842
  • "Zur Kritik der Hegelschen Rechtsphilosophie", été 1843, manuscrit
  • "Lage der arbeitenden Klasse in England", Rheinische Zeitung, 25/12/1842
Sur les "manuscrits de 1844", 
  • Emmanuel Renault et al. , Lire les Manuscrits de 1844, 2008, Paris, PUF, 152 p. 

mercredi 2 mai 2018

Des médias piégés par leurs contenus, tirés par leurs compléments ?


Bahrat Anand, The Content Trap. A Strategist's Guide to Digital Change, 2016, 464 p., $ 15.76 (ebook), Bibliogr.

L'auteur est Professeur de gestion (Business Administration) à Harvard Business School. Ph.D. en Economics, c'est un observateur - "dégagé" - des stratégies d'entreprises, au sens où Raymond Aron se disait "spectateur engagé". Comme observateur, son travail est remarquablement riche et diversifié : tout l'histoire du Web est présente dans le livre, sous forme de cas, d'exemples, d'anecdotes aussi, notamment,  puisés dans l'histoire récente des médias, de la presse (Newsweek, The Economist, Schibsted, etc.) et de la télévision surtout. L'ouvrage se termine par une longue réflexion sur l'éducation dans un univers de savoirs numérisés.
The Content Trap est de lecture agréable et utile parce qu'il remet les faits de l'histoire récente du marketing et des médias en perspective, ou, du moins ce que l'on estime être les faits, ceux que l'on a faits et que l'auteur continue à faire et à propager. Mais comment ces faits sociaux sont-ils faits?

Résumons brutalement l'originalité de l'ouvrage. On connaît la dichotomie classique qui oppose contenus et tuyaux et le dicton courant affirmant que le contenu est roi. Bahrat Anand semble en prendre hardiment le contrepied : le roi n'est pas le contenu, au contraire, ce qui règne désormais, c'est la connexion mais surtout le complément du média, son contexte. L'auteur dénonce dans le marketing et les médias la présence d'un état d'esprit centré sur le produit, sur le contenu ("a product or a content-oriented mindset") ; il propose de lui substituer un état d'esprit centré sur les compléments ("complements mindset"). Dans le même ordre d'idée, il suppose de renoncer à une mentalité d'assiégé ("citadel mentality") : au lieu de protéger le produit à tout prix, il faut plutôt en développer et en travailler les connections, le laisser déborder (spillover), évoluer, s'adapter, changer.

Bahrat Anand met l'accent sur la notion de complément. Ce qui fait le succès de l'iPhone vendu fort cher, avec une marge élevée, est son complément, iTunes ; l'appareil ne vaut que parce qu'il donne accès à la musique et à des applications innombrables, ses compléments, le tout de manière simple et commode. Toutefois, il importe de ne pas se mettre en situation de dépendance vis à vis de certains compléments stratégiques : c'est ce qui a conduit Apple à développer sa propre appli pour remplacer Google Maps, à l'origine offert par défaut avec l'iPhone (comme la météo et la bourse). La notion de complément est ancienne, dont le modèle canonique est la dialectique du rasoir que Gillette commercialise fois une à bas prix pour ensuite vendre des lames, cher et souvent. L'auteur évoque la relation entre les pneus et le Guide Michelin, moins convaincante. Qu'en serait-il, pour Nespresso, de la relation machine à café / capsules ? La visibilité du papier, livre ou magazine, sur les linéaires, fait vendre le numérique, note l'auteur : le réseau de distribution en dur est-il le complément du numérique, ou l'inverse ? Quel rôle assigne Apple à ses Apple Stores ? Compléments ?

A l'appui de sa thèse, l'auteur accumule les exemples : la presse et la concurrence des petites annonces en ligne, le marketing du sport, la vente de la musique ; il observe le déclin du CD, le maintien des concerts et les lancinantes lamentations à propos du piratage. L'impact du piratage sur la vente de musique ou de films est d'ailleurs devenu un sport de combat pour universitaires ("contact sport among academics"), ironise-t-il ; cela vaut maintenant pour le cord-cutting et le développement de la télévision connectée (unbundling, OTT, Direct-To-Consumer TV). Corrélation ou causation ? Les stratégies de conservation, de préservation du CD, de la vidéo-cassette, des salle de cinéma relèvent-elles du même combat, perdu d'avance, combat qui en appelle systématiquement au droit et à l'Etat pour faire régner l'ordre menacé, et rétablir le status quo ante bellum (en France la loi Hadopi, 2009 ; aux Etats-Unis, le "Betamax case", Suprem Court, 1984, Sony vs Universal, par exemple). Erreur de diagnostic, souvent fatale, note l'auteur. L'histoire montre que les médias dominants s'opposent toujours aux nouveautés : ils furent contre la radio (aux Etats-Unis), contre la télévision par câble et satellite (aux Etats-Unis, le piratage déjà !), contre la FM (en France, 1980), contre le magnétoscope (l'inénarrable bataille de Poitiers, 1982), contre Internet... A qui le tour ? Pourquoi cette inertie entêtée ?
La notion de complément est au cœur de l'analyse, même si elle est confuse, elle permet de dépasser celle de disruption ("from disruption to complement"). Ne doit-on pas prendre en compte, au titre du complément, l'accès, la commodité, l'ergonomie ? La télévision par câble ou satellite est peu commode ; en revanche, Netflix est simple, d'usage facile, la presse en ligne est commode (sauf pay-wall, refus des adblocks... On a parlé d'âge de l'accès et du service supplantant un âge de la propriété (Jeremy Rifkin, The Age of Access, 2001) : est-ce si nouveau (cf. l'histoire du livre et des bibliothèques, du manuscrit à l'imprimé) ? Le recours utile à l'histoire s'avère décapant : la radio, tout comme MTV ensuite, n'ont pas concurrencé la vente de disques, au contraire, elles en ont fait la promotion, de même que YouTube, SiriusXM ou Pandora...
Et la publicité ? Pour Bahrat Anand, elle est encore obsédée par l'audience au lieu de privilégier le partage et les communautés ("it is not about eyeballs; it's about sharing, networks, and communities"). La mesure des audiences, telle qu'elle est encore pratiquée (GRP) appauvrit les médias mesurés. La publicité est-elle un complément des médias mesurés, ou est-elle complétée par les médias ?

Autant le livre de Bahrat Anand est agréable, cultivé, touffu toutefois, autant la thèse telle que l'énonce un titre provocateur, "le piège du contenu", semble exagérée et non démontrable malgré la multiplication des exemples que l'auteur n'a pas vécus en direct (privilège et limite du travail de chercheur "dégagé").
Publié en automne 2016, donc écrit il y a au moins trois ans, l'ouvrage semble déjà un livre d'histoire. Peut-on aujourd'hui affirmer que le contenu est un piège pour Netflix qui commet une erreur en mettant l'accent sur les créations, notamment originales (la responsable des créations originales de YouTube déclare que Netflix est trop loin devant ("too far ahead") pour que YouTube puisse le concurrencer. Or Netflix investira 8 millards en nouveaux contenus en 2018. La bataille pour l'acquisition de Fox que se livrent Disney et Comcast n'a-t-elle pas pour enjeu les contenus des studios de Fox (Comcast a déjà acquis Universal) ? Apple ne s'oriente-t-il pas vers les contenus  lorsqu'il annonce un chiffre d'affaires de 9,2 milliards de $ pour sa partie Services (T1, 2018) ? Et YouTube avec ses "influenceurs", ne s'agit-il pas de contenu ? Et la bataille pour les droits sportifs ?
Enfin, si l'on suit la thèse de Bahrat Anand, de quel média ou de quel appareil, les données sont-elles le complément ? Ou, quel est leur complément ? Quel est leur statut, de quel modèle économique relèvent-elles ?

La stratégie des marques s'accomplit à coup de petites décisions empiriques difficiles à saisir (l'auteur s'y essaie toutefois lucidement) plus que d'orientations théoriques claires, plus faciles à exposer, a posteriori, du moins. Malgré toute l'argumentation déployée par cet ouvrage, le contenu nous semble régner, encore et toujours, même si les effets de complément, de connection et de contexte que pointe Bahrat Anand jouent un rôle essentiel. Les médias vivent dans un régime de "monarchie républicaine", de despotisme éclairé ! Le contenu règne, mais gouverne-t-il ?