Alexandre Vialatte, Résumons-nous, Paris, Editions Robert Laffont, 1326 p. Préface de Pierre Jourde, 2017, 32 €
Contrairement à ce que laisse augurer le titre, il est presque impossible de résumer l'œuvre journalistique d'Alexandre Vialatte. A côté de ses romans et surtout de ses nombreuses traductions de l'allemand : Franz Kafka notamment, en commençant par La Métamorphose (1928), puis Friedrich Nietzsche (Ecce Homo, Le Gai Savoir, 1950), Bertolt Brecht (Tambours dans la nuit, 1936), etc. Alexandre Vialatte a, sa vie durant, multiplié les collaborations dans la presse, notamment dans La Montagne (1952-1971), le quotidien régional de Clermont-Ferrand (près de 900 chroniques publiées en deux tomes dans Rubriques de La Montagne, chez Laffont en 2000) ; il collaborera aussi à Télé 7Jours, à la Revue du tiercé, Réalités, Elle, Arts Ménagers, au Courrier des Messageries maritimes, aux Nouvelles Littéraires, à la N.R.F., au Spectacle du Monde, aux Lettres françaises, au Crapouillot... étrange mélange de populaire et de littéraire, qui à lui seul dit tout le personnage attachant d'Alexandre Vialatte.
Résumons-nous est un très gros volume qui réunit des articles parus dans toutes sortes de revues, journaux et magazines. Les articles sont répartis en cinq grandes parties suivant l'ordre chronologique. Chacune est située en quelques pages.
- D'abord, l'époque allemande, Mayence puis Berlin (1922-1949) : des articles écrits pour La Revue rhénane suivis de "cartes postales". Ecœuré, Alexandre Vialatte observe et énonce la montée du nazisme, en vain : on ne le croit pas ... en 1945, militaire, il assistera, sidéré, au procès des gestionnaires national-socialistes du camp de concentration de Bergen-Belsen. Tous ces textes sont regroupés sous le titre Bananes de Königsberg.
- Puis vient une partie intitulée "Journalismes", recueil d'articles parus dans Le Petit Dauphinois (1932-1944). Comme pour les chroniques de La Montagne, c'est la presse du quotidien réfléchi. Moments choisis d'histoire sociale, sculpture de l'éphémère, ironie et poésie.
- Ensuite, c'est "l'Almanach des quatre saisons" rédigé pour Marie-Claire (1960-1966), texte imitant les almanachs populaires de la France rurale, truffés de saillies surréalistes et de conseils fantaisistes.
- La partie intitulée "Lanterne magique" reprend des chroniques cinématographiques (1950) parues dans l'hebdomadaire familial Bel Amour du Foyer.
- Enfin, viennent, sous la rubrique "Promenade littéraire", des articles parus dans Le Spectacle du Monde (1962-1971), magazine mensuel.
Le journalisme populaire est un genre littéraire à part entière, qui reste à caractériser notamment la chronique. On pense à Henri Calet, par exemple, dans un genre proche : Combat, Le Parisien Libéré, Elle, chroniques radiophoniques...
Belle préface, tendre et néanmoins iconoclaste, de Pierre Jourde. Ouvrage à parcourir, à picorer, pour le plaisir, l'inspiration... La presse, décidément, est de son temps et de tout temps. Quand elle est servie par un tel talent.