Zoe Sugg, Girl Online, 352 p, Atria Books / Keywords Press, New York, novembre 2014, 10,27 $ (kindle)
Roman d'adolescence anglaise. Genre journal (diary). Penny, l'héroïne, a presque 16 ans, ce qui la classe, du point de vue du marketing du livre, dans la catégorie "jeune adulte". C'est le journal d'une vie numérique, vie vécue le smartphone à la main (messages, photos, selfies, Facebook, notifications). L'héroïne tient un blog, son adolescence ponctuée de smileys et de skype, de posts, de tweets. "Vert paradis" des amitiés et amours adolescentes : famille, loisirs et rêveries. Comment s'habiller ? Que dire ? "Moesta et errabunda", ouvrage mélancolique et rêveur... Parfois, c'est l'enfer : homophobie, anxiété, harcèlement (cyberbullying)... L'ambiance de fête (la mère organise les mariages), les gâteaux, les cadeaux de Noël donnent une teneur enchantée au roman qui fait alterner le conte de fées et la vie sociale souvent glauque du lycée.
Girl Online va de Brighton à New York où elle rencontre son "Brooklyn Boy" qui s'avère "an American YouTube sensation"...
Page 266, Girl Online avec textes de tweets |
Le roman est un best-seller en Angleterre. Manifestement, YouTube fait vendre des livres. "Girl online... going offline". Dans la narration s'intercalent des textes "numériques" : posts, messages... Manifestement, les médias numériques affectent l'écriture. Parfois, on croit lire des lignes écrites pour Facebook ou Twitter.
Le succès du roman confirme, s'il en était besoin, l'importance de YouTube pour la consommation culturelle (cf. YouTube: what kind of TV is it?) et l'importance des réseaux sociaux pour modeler l'expression. Un nouvel habitus culturel se constitue : photo, blogs, tweets, Facebook... qui s'applique au roman.
Quel type, quel "genre" de produit éditorial est un tel roman ? Il s'agit d'un travail d'équipe, réunissant plusieurs métiers, orchestré par Penguin, l'éditeur, avec Siobhan Curham (auteur connue de livres pour "jeunes adultes"). Un débat est né à propos de la collaboration de Zoe Sugg avec Siobhan Curham (ghostwriter), qui à l'occasion, réclame plus de transparence quant aux livres "écrits" par des célébrités (The Independant, December 11, 2014) : "I think it would be really healthy to have a broader debate about transparency in celebrity publishing").
Quelle relation entre un tel ouvrage et les réseaux sociaux où s'exprime "l'auteur" : Facebook, Twitter, Tumbler, Instagram, Bloglovin ? Plus que de bricoler le marketing du roman, il s'agit de penser la place des réseaux sociaux dans la production et la diffusion culturelles. Le champ de la production culturelle doit être redessiné, en recourant, entre autres, aux travaux de Stanley Cavell sur le cinéma et son public.