jeudi 29 juillet 2010

Manuscrits de Proust au musée

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Qu'il existe un Musée des lettres et manuscrits est le signe qu'une "forme de la vie" disparaît (ou plutôt, paraphrasant Hegel, qu'elle "est devenue vieille" - "dann ist eine Gestalt des Lebens alt geworden"). A l'âge numérique, dans les "cultures ocidentales", les manuscrits, "devenus vieux", habitent musées et collections, mais aussi des magazines tels l'officiel du MANUSCRIT ou Plume, le magazine du patrimoine écrit.

Voici une exposition consacrée aux manuscrits de Proust : à ses lettres, ses textes, ses brouillons, ses annotations, ses paperoles, envois autographes, dessins avec légendes, feuillets imprimés avec biffures et corrections, placards d'épreuves corrigées... Toute une vie de mots, d'une écriture qui change, penche puis se redresse, qui varie sans cesse et qui pourtant ne change pas. Une écriture qui abrite un caractère. Graphologie. On voit naître et s'éveiller le style, se composer l'oeuvre et la vie à partir des mots manuscrits sur toutes sortes de supports. Travail d'écrivain, indissociablement de la main et de l'esprit.
L'écriture manuscrite nous "touche" encore comme ne peuvent le faire les mots sur cet écran. Souvenirs de l'enfance, des "cahiers du jour" où l'on s'est appliqué, au moins pour les premières pages, crainte des redoutables majuscules : l'enfance calligraphie de moins en moins. Le métier d'écrire a changé : le porte-plume, le buvard ont fait place au stylo à bille, au feutre. Au siècle du clavier, réel puis virtuel, le stylo à plume est objet de luxe, d'ostentation précieuse : "un style de vie", comme le proclame en sous-titre le trimestriel Le Stylographe. En regardant ses manuscrits - plus qu'on ne les lit - on s'approche de l'intimité de Proust, du travail de l'écrivain, de la vie des personnages. Démarche un peu people, un peu voyeur.



Déjà des yeux nouveaux s'émeuvent à la relecture de SMS ou de courriers sauvegardés. Gmail dit : ne jetez plus aucun courrier, gardez tout ("you can archive instead of deleting messages") ! Et le droit à l'oubli ? Avec le traitement de texte, où sont les brouillons, les ratures, les actes manqués de l'écriture ("verschreiben" pour Freud) ? Comment analyser les fautes de frappe ? Finie l'édition savante des variantes ?
La genèse de l'oeuvre sera encore plus mystérieuse.
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