Guy Gallice, Claude Hudelot, avec Angel Pino et Isabelle Rabut pour les légendes, Le Mao, Editions du Rouergue, Rodez, 472 p. Index, 19 €
Cet ouvrage est consacré au marketing des idées et du personnage politique de Mao Zedong. Les deux auteurs ont rassemblé et commenté une étonnante collection de documents et d'objets consacrés à la célébration du Président Mao. Très beau livre, belle réalisation matérielle (encore que la position des légendes - précises et efficaces - en rende incommode la lecture). 472 pages, toutes d'illustrations, entrecoupées de quelques textes et commentaires.
Des photos, des statuettes, des bustes, des tableaux, des affiches, des médaillons, des opéras, des disques, le livre des Citations du Président Mao (dit, en France, Petit livre rouge), des gravures, des timbres, des vignettes, des postes de radio, des réveils, des horloges, des boîtes, des miroirs, des livres, des coffres, des coiffeuses, des cahiers d'écoliers, des éventails, des albums de photos, des bas-reliefs, des badges, des thermos, des assiettes, des gobelets, des flacons, des vases, des tasses, des théières, des bols, des étoffes, des tapis, des bannières, des drapeaux, des tapisseries, des sacs à bonbons, des mouchoirs, des taies d'oreillers, des bâtons à encre, des tampons, des sceaux, des billets de monnaie, des papiers découpés... et j'en passe. Cf. Ci-contre : pochette d'un disque de chants de la Révolution culturelle (années 1960).
Tous les supports possibles ont été mobilisés pour célébrer le premier Président de la nouvelle République chinoise, celui qui a mené le combat contre l'occupation japonaise, guidé la Longue Marche. Sur ces événements, une légende s'est construite, que la critique historique finira par préciser. Parler de "culte de la personnalité" n'aide pas à comprendre, au contraire. Mieux vaudrait rapprocher de ce catalogue total d'objets des diverses situations de marketing intensif, multi-canal : situations religieuses, situations commerciales... La prise de pouvoir sur les objets de la vie quotidienne est une tentation constante de la publicité et de certaines cultures religieuses (cf. les "objets publicitaires à collectionner"). Il nous manque de voir notre société de marketing intensif avec le "regard éloigné" d'ethnologues chinois.
Par son effet d'accumulation, ce livre constitue une contribution indéniable à la mesure du travail de célébration. Un tel inventaire, objectif et exhaustif, risque pourtant de laisser croire que l'efficacité de ce mass-marketing fut totale. La prise en compte de la réception, nécessairement subjective, est moins commode, aussi est-elle absente de la plupart des travaux sur les mass-médias. Une telle prise en compte relativiserait sans doute l'efficacité de l'inculcation politique. La mass-médiologie spontanée, condescendante, veut des médias tout puissants et une réception par les masses sans défaut, infaillible, passive, uniforme. Il est de l'intérêt des mass-médiologues pour forcer leur thèse de ne pas voir, et de ne pas faire voir, les ruses multiples de l'intelligence à l'œuvre dans la réception (Métis, Μῆτις). Cette asymétrie est au principe de la plupart des discours sur les médias ; elle en dissimule le mode de fonctionnement et leurs conditions sociales et matérielles d'efficacité. Il faut bien voir combien l'étude de la réception est difficile tandis que l'analyse des contenus des messages du marketing est commode.
Tous les supports possibles ont été mobilisés pour célébrer le premier Président de la nouvelle République chinoise, celui qui a mené le combat contre l'occupation japonaise, guidé la Longue Marche. Sur ces événements, une légende s'est construite, que la critique historique finira par préciser. Parler de "culte de la personnalité" n'aide pas à comprendre, au contraire. Mieux vaudrait rapprocher de ce catalogue total d'objets des diverses situations de marketing intensif, multi-canal : situations religieuses, situations commerciales... La prise de pouvoir sur les objets de la vie quotidienne est une tentation constante de la publicité et de certaines cultures religieuses (cf. les "objets publicitaires à collectionner"). Il nous manque de voir notre société de marketing intensif avec le "regard éloigné" d'ethnologues chinois.
Par son effet d'accumulation, ce livre constitue une contribution indéniable à la mesure du travail de célébration. Un tel inventaire, objectif et exhaustif, risque pourtant de laisser croire que l'efficacité de ce mass-marketing fut totale. La prise en compte de la réception, nécessairement subjective, est moins commode, aussi est-elle absente de la plupart des travaux sur les mass-médias. Une telle prise en compte relativiserait sans doute l'efficacité de l'inculcation politique. La mass-médiologie spontanée, condescendante, veut des médias tout puissants et une réception par les masses sans défaut, infaillible, passive, uniforme. Il est de l'intérêt des mass-médiologues pour forcer leur thèse de ne pas voir, et de ne pas faire voir, les ruses multiples de l'intelligence à l'œuvre dans la réception (Métis, Μῆτις). Cette asymétrie est au principe de la plupart des discours sur les médias ; elle en dissimule le mode de fonctionnement et leurs conditions sociales et matérielles d'efficacité. Il faut bien voir combien l'étude de la réception est difficile tandis que l'analyse des contenus des messages du marketing est commode.
La fiction parvient parfois à évoquer les résistances rusées, subtiles, à l'inculcation. C'est, par exemple, ce que réussit le romancier de Yan Lianke (阎连科) dont le titre, Servir le peuple (Editions Philippe Piquier, Arles, 15 €), reprend ironiquement un slogan fameux de la Révolution culturelle (inspiré d'un discours de Mao Zedong du 8 septembre 1944). Les surréalistes avaient revendiqué l'amour et l'érotisme comme lieux de la révolution privée et de la résistance à bien des oppressions et tentations totalitaires : révolutions dans la révolution, qui échappent aux sciences sociales.
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