dimanche 10 avril 2022

Rendez-vous avec le calendrier de l'histoire juive


Elie Botbol, Les Rendez-vous avec l'histoire juive. Réflexions sur les célébrations du calendrier hébraïque, Hommage à Josy Eisenberg, Paris, Salomon, 318 p., Index

Ce livre m'a été offert, il y a maintenant plus de deux ans. Je l'ai lu une première fois, comme un ouvrage universitaire. Banal. Je n'ai d'abord rien retenu, mais j'avais tout lu ! Et puis je l'ai repris, une deuxième fois. Et j'ai commencé à y voir un peu plus clair. Un tout petit peu. Enfin, voilà ce que j'en ai retenu.

La fête juive de Pessah est fête de la libération, fête qui dure une semaine. Les Juifs, les croyants et ceux à qui la tradition suffit, et les autres, célèbrent alors la sortie d'Egypte et donc la fin de l'esclavage des Hébreux. C'était à l'époque du pharaon Ramsès II. Alors, au repas, aujourd'hui, il y a l'agneau consommé en famille (alors qu'il était divinité pour les Egyptiens), il y a la matsa (pain azyme, sans levain, "pain de misère", dit le Deutéronome), simple pain de l'autosuffisance, sobre, alors confectionné à la hâte. Et puis, il y a le maror, pour l'amertume des herbes qui évoquent la vie amère. Au premier soir de la semaine, les célébrants boivent quatre coupes de vin ou de jus de raisin. 
Conclusion de cette célébration ? Il faut toujours se souvenir de l'esclavage, de sa proximité, l'avoir présent à l'esprit. "Tu te souviendras du jour de ta sortie d'Egypte tous les jours de ta vie", dira-t-on (Deutéronome). Et cela fera partie de l'éducation religieuse ou laïque des enfants, de tous les enfants, et du repas rituel, le Seder au début de la nuit (סדר « ordre », en hébreu). La gourmandise a du bon !

Le peuple juif accède donc à la liberté. Mais il faudra "aimer l'étranger car vous étiez étrangers en pays d'Egypte" (Deutéronome) ou "vous connaissez l'âme de l'étranger puisque vous étiez étrangers en Egypte" (Exode). Heureux rappel à l'ordre, insistant. 
Voici comment est contée et vécue, chaque année, au printemps, mais bien plus longuement, la libération des Juifs d'Egypte et leur rupture avec le polythéisme égyptien. Voici comment cette légende est vécue à nouveau, racontée, et terriblement simplifiée par moi ici.

Et l'ouvrage d'Elie Botbol se poursuit en traitant divers aspects de la tradition juive (Chavou'ot, Roch Hachana et Soucot). Le livre, vers la fin, évoque Kol Nidrei, chanté à Yom Kippour. Mais ceci est une autre histoire. Et une histoire de la musique.

Comment comprendre aujourd'hui ces textes que la tradition religieuse a modifiés, transformés au cours des siècles ? Parfois l'auteur laisse entendre diverses lectures. En fait, le livre constitue une excellente introduction aux fêtes juives. L'accent porte sur le souvenir, sur la liberté qui n'est jamais gagnée, qui doit être reconquise, malgré tout. L'ouvrage d'Elie Botbol est prudent, il multiplie les approches, revient sur les termes de l'histoire. Il insiste parfois aussi. Croyant et même militant, il sait aussi en faire peu, appuyer à peine. Et les lectrices et lecteurs apprécieront.
A mon avis, on peut lire ce livre, à petites doses, petit à petit, en contestant chacune des idées évoquées, quitte à contester enfin la contestation. Chacun son rythme. Et je suis certain que l'auteur n'y verra pas d'inconvénient : la contestation a du bon. Ainsi, quatre enfants sont évoqués qui posent leurs questions sur l'événement raconté : laissons-les poser toutes les questions et d'abord les mauvaises, celles que nous n'imaginons pas, ou plus, nous adultes. Pessah, c'est fête de la liberté.

Dans le magasin de mon quartier, voici la
présentation de quelques produits pour les fêtes
de Pessah









mardi 5 avril 2022

La terre est plate ! Mais pourquoi cela a-t-il duré si longtemps ?

 Violaine Giacomotto-Charra, Sylvie Nony, La Terre plate. Généalogie d'une idée fausse, Paris, Les Belles Lettres, 2021, Bibliogr., Index

Christophe Colomb et autres navigateurs n'ont rien inventé.  La Terre n'était déjà pas plate en leur temps, et cela depuis bien longtemps. Ainsi le livre commence par se moquer de quelques uns qui parlent sans savoir, des ministres (que diable sont-ils amenés à en parler ?), des journalistes (bien mal formés !) et autres porte-paroles bavards. Le chapitre IV reprend l'histoire des falsifications et erreurs nombreuses : dans l'ouvrage de Daniel Boorstin (The Discoverers), dans celui d'Arthur Koestler... Nos auteurs s'en prennent aussi à un ministre de l'Education nationale, à des manuels scolaires, à de grands vulgarisateurs (dont Stefan Zweig) : l'idée est décidément bien ancrée !

Or, que dit l'histoire ? Que Platon, Aristote et, avant, Anaximandre déjà pensaient que la Terre était sphérique. Mais, la démonstration, définitive, on la doit à Eratosthène, qui dirigea la bibliothèque d'Alexandrie, et publia les résultats de ses travaux dans son Traité de la mesure de la Terre, résultats fondés sur une démonstration géométrique imparable (elle est donnée par le livre, pp. 247-250). Donc, vers 250 avant notre ère, le problème était bien posé et la démonstration de la sphéricité de la Terre était effectuée pour l'essentiel (voir la réalisation pédagogique de la démonstration "Mesure du rayon de la Terre par la méthode d'Eratosthène", par des élèves de seconde, avec l'ENS, à Lyon).

Le livre reprend des siècles d'histoire de "la Terre plate", il montre son entretien de manuels scolaires en encyclopédies et étudie ainsi la fabrique d'un mythe. Bien sûr, le livre étudie l'histoire de ce mensonge renouvelé mais, peut-être faudrait-il analyser en détails, en épistémologue, la pensée à l'oeuvre dans cette histoire qui a sans doute encore un bel avenir. Pourquoi l'erreur est-elle si vivace ? De quels atouts dispose-t-elle ?