Tom Standage, Writing On The Wall. Social Media. The First 2,000 Years, 2013, New York, Bloomsbury, 288 p. Bibliogr.
Avant Facebook, avant Snapchat, avant Twitter et bien d'autres, l'information circulait, des réseaux se constituaient pour l'échange des informations empruntant des médias divers : graffiti sur les murs, lettres et poèmes manuscrits, pamphlets, rumeurs, etc. : l'auteur reprend l'histoire de la communication et la relit à la lumière des réseaux sociaux modernes, retrouvant l'équivalent des like, des courriers, des blogs, des commentaires, des posts... Regarder le passé pour comprendre l'avenir ("Learning from really old media") : méthodologie des écarts. L'auteur dresse un panorama historique des techniques mises successivement en œuvre pour la communication publique, plus ou moins privée. Après avoir résumé les travaux anthropologiques de Robin Dunbar, le livre développe plusieurs exemples historiques. Entre autres :
- Les médias de l'époque romaine (acta diurna populi Romani, tablettes de cire, graffiti, messagers, etc.), le réseau social de Ciceron.
- La propagation du christianisme et ses techniques de communication : l'exemple de Paul de Tarse et de ses lettres.
- La diffusion de la Réforme aussi, de la viralité des 95 thèses de Luther affichées sur les portes du château de Wittenberg en 1517 à la diffusion des bibles imprimées en langue allemande.
- La communication sociale à la cour des Tudor avec les poèmes manuscrits comme des posts partagés et commentés par écrit (la circulation remarquable du Devonshire Manuscript, 1534-1539) ; le recours au manuscrit pour se distinguer de l'imprimé si commercial, presque vulgaire dans sa modernité.
- Le rôle des cafés à Londres (coffee houses), à Paris (Le Procope, 1686) cafés où lectures et discussions allaient bon train ; cafés thématiques, spécialisés : poésie, divertissement, finance, information, etc. Cafés lieux de culture (penny universities) et d'innovation où se tiennent des débats scientifiques.
Les derniers chapitres, plus classiques, concernent l'histoire récente des médias, de la radio au Web pour en venir aux inévitables clichés sur les réseaux sociaux et l'illusoire émancipation politique (le "printemps arabe").
Au cours des 2000 années parcourues par l'ouvrage, des questions réapparaissent de manière lancinante : l'importance de la copie, d'abord encouragée, pour favoriser la disssémination, l'anonymat qui protège et fait avancer les libertés, le débat vie privée / vie publique, la force structurante des réseaux de personnes, la survie du manuscrit au-delà de l'imprimerie...
Des fonctions presque universelles des médias sociaux se dégagent : copier, partager, bavarder, répéter, afficher, accrocher des commentaires à un texte, etc. Ceci éclaire les médias sociaux actuels et fait voir à la fois leur originalité et leurs différences : par exemple, que sont devenus les cafés (Starbucks) ? On note aussi, jusqu'au milieu du XIXème siècle, l'absence de la publicité comme financement et parasite de la communication publique. La publicité, de plus en plus présente, caractérise manifestement la communication de l'époque moderne, communication qu'elle développe et entretient finissant par toucher la communication privée (réseaux sociaux).
.