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Edgar Allan Poe, L'hommes des foules, suivi d'un essai de Jean-François Mattei, "Edgar Poe ou le regard vide", Edition Manucius, 2011, 96 p., bibliogr.
Edgar Allan Poe a publié ce conte ("a tale") en 1840. "The Man of the Crowd" est inclus, lors des publications ultérieures, dans les "Mysteries". L'histoire est simple : le narrateur, dans un café, parcourant un journal, fumant un cigare, observant la rue, se laisse aller à une analyse spontanée des individus de la foule, classant et distinguant les passants selon leurs apparences (vêtements, hexis corporelle, etc.)... Intrigué par un passant qui lui semble inclassable, il le suit dans les rues. Discrète filature. Cet homme, qu'il suit des heures durant, ne fait rien que se noyer dans la foule, parcourant Londres de quartier en quartier à la recherche de foules successives, selon les moments de la journée, foule des magasins et du marché, foule des sorties de bureau, foule du divertissement nocturne... Cet homme passe son temps à rechercher furieusement la foule, comme s'il ne pouvait respirer que dans un bain de foule. Rien d'autre ne se passe.
Edgar Allan Poe termine le conte comme il l'a commencé, empruntant la clé du mystère à une expression allemande pour qualifier un livre : "il ne se laisse pas lire" ("es lässt sich nicht lesen"). L'homme de la foule est comme un gros livre rébarbatif, il ne se laisse pas lire : "peut-être est-ce une grande miséricorde de Dieu" que cette illisibilité (ce sont des mots du "Miserere") de l'homme caché dans la foule, Dieu seul voit ses péchés.
Le narrateur échoue donc dans son enquête ; tout attentif à observer, il ne comprend pas. Aucun signe visible ne l'aide à lire le coeur de cet homme. L'homme de la foule lui échappe. Inutile de continuer à le suivre, il n'apprendra rien de plus qui lui permette de s'identifier à l'inconnu, étranger définitif. "It will be in vain to follow; for I shall learn no more of him, nor of his deeds". Vanité du spectateur, impossibilité de comprendre un tel homme en le suivant, en le regardant (passer), malgré toute l'acuité d'un regard entraîné. On sait tout de lui, tous ses trajets mais pourtant, rien ne le révèle.
Un homme n'est-il compréhensible que comme atome d'une foule, gibier statistique ? Cet "homme de la foule" n'est-ce pas aujourd'hui l'homme des médias numériques ? Celui qui sans cesse se dissout dans des foules virtuelles, se repaissant de la foule de ses "amis" en ligne, sans cesse spamé, "pressé" (crowded, foulé) de déclarer qu'il aime ou n'aime pas, de suivre, de voter, sommé d'être à la mode, au courant... Foules innombrables d'internautes où les algorithmes vont pêcher un savoir : crowd sourcing.
"Que peut-on savoir d'un homme aujourd'hui ?" demandait Sartre à l'entrée de son Flaubert (L'idiot de la famille), question à reprendre à propos des outils du Web. Question au coeur de tout ciblage comportemental. Que peut-on apprendre d'un homme dans une foule d'internautes ? Tout, comme le prétendent Google ou Facebook (Open Graph), ou rien d'important ? "Il n'est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude : jouir de la foule est un art" dira Baudelaire, "Les foules", Le spleen de Paris.
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Entrer dans la carrière universitaire. Pour n'en plus sortir ? Pierre
Bourdieu
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Victor Collard, *Genèse d'un sociologue*, Paris, CNRS éditions, 2024,
Index, Bibliogr., 447 p.
De son enfance lycéenne aux débuts de sa carrière univers...