mardi 27 septembre 2011

Zola, les premiers enfants de la presse

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Zola journaliste. Articles et chroniques choisis par Adeline Wrona. Paris, Flammarion, 387 pages, Index, Chronologie, Bibliographie.

Zola journaliste reste d'abord l'auteur du fameux "J'accuse" publié à la une de L'Aurore (13 janvier 1898) pour conspuer l'injustice et défendre le capitaine Dreyfus. Les anti-dreyfusards ne lui pardonneront jamais :  lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon (4 juin 1908), un anti-dreyfusard blessera le commandant Dreyfus présent à la cérémonie.
Zola vit une période essentielle du développement de la presse : "Nous sommes tous les enfants de la presse" écrit-il dans Le Figaro en 1881, alors que naît l'école laïque et obligatoire. Zola rappellera que la presse populaire (Le Petit Journal) « a créé une nouvelle classe de lecteurs», qu'elle a « rendu un réel service : elle apprit à lire, donna le goût de la lecture» (1872).
Cet ouvrage couvre 40 années de journalisme. Comme Baudelaire et comme Gautier, Zola alterne une carrière de romancier et de journaliste, journalisme engagé et journalisme alimentaire : le roman ne paie pas son homme. Dans la presse, il fera tous les métiers, du service des expéditions (Hachette) à la chronique parlementaire en passant par la publicité littéraire, où il apprend beaucoup. En 1866, Zola devient journaliste à temps complet et collabore à de nombreux titres. Si la presse sauve la lecture, Zola estime toutefois qu'elle dévore les romanciers : « il n'y a plus de romancier. Le journal les a dévorés » (1868). Comme ses illustres prédécesseurs, Balzac ou Flaubert, Zola sera publié en feuilleton. Ce n'est qu'avec L'assommoir (1877) qu'il pourra commencer à vivre de son oeuvre littéraire.

Dans le journalisme, Zola voit une propédeutique à la littérature : « pour tout romancier débutant, il y a dans le journalisme une gymnastique excellente, un frottement à la vie quotidienne, dont les écrivains puissants ne peuvent que profiter ». La transition du journalisme à la littérature s'effectue, entre autres, par la publication des recueils d'articles (« la mise en volume est l'épreuve suprême pour les articles»). Faudrait-t-il appliquer cette proposition aux blogs ?
Zola perçoit le danger que représente le goût d'actualité, du scoop :« cette fièvre d'information immédiate et brutale, qui change certains bureaux de rédaction en véritable bureau de police" (juillet 1880) ; mais c'est aussi la presse qui permet le développement de l'affaire Dreyfus.
Zola fut à la fin de sa vie passionné de photo. On se demande quel reporter il eût fait.

Superbe travail d'Adeline Wrona, enseignante au CELSA. Cet ouvrage, avec sa remarquable présentation, contribue, comme le Baudelaire et le Gauthier de la même collection, à la compréhension de l'évolution de la presse qui devient à la fin du XIXe siècle un lieu majeur de circulation et de partage des idées. Le volume comporte quelques belles illustrations et l'on peut y lire un Zola mal connu qui, par exemple, traite de la presse française pour un journal russe (page 224) ou encore du lectorat du journal (page 55).
Pour conclure, lisez donc ce beau texte publié dans le Corsaire, à la une, le  24 décembre1872 et qui vaudra à ce titre d'être interdit : "le lendemain de la crise" (p. 212). Quelle presse publierait aujourd'hui un article pourtant aussi actuel ?
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