dimanche 21 avril 2013

Socialnomics : recettes pour les réseaux sociaux

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Erik Qualman, Socialnomics. How social media transforms the way we live and do business, Wiley, 2d edition, 316 p., 2012, index., $ 11,1 (paperback), $ 9,99 (kindle)

Voici un livre simple et pratique. Aucune théorie ne le détourne de son ambition strictement pragmatique. C'est un livre de recettes de marketing pour les réseaux sociaux.
Comme les technologies des réseaux sociaux changent sans cesse et souvent de manière radicale, un tel livre représente une gageure. Ainsi, depuis la publication du livre, en novembre 2012, combien de fois Facebook et Twitter ont-ils rectifié leur modèle économqiue : offre publicitaire, relation à la mobilité, au ciblage ? EdgeRank, Graph Search, Facebook Home, chat heads, keyword targeting in timelines, "interest graph", TwitterMusic, Vine n'ont que quelques mois...

Les premiers chapitres de Socialnomics sont généraux ; ils reprennent les affirmations, ni tout à fait fausses, ni tout à fait justes, que colportent les entreprises de réseaux sociaux. Dans cette multitude de clichés, l'ambiance est à la célébration et à l'exclamation (discours d'accompagnement). Mais, pour lassants qu'ils soient, les clichés disent une part de la vérité ; ils constituent un fond de lieux communs indispensables à la communication, un consensus qu'il faut re-connaître pour comprendre à demi-mots le champ des réseaux sociaux dominants et leur culture. Parmi les clichés, se trouvent aussi des conseils de toute sorte, beaucoup relevant du bon sens ; mais, parfois, émerge une maxime précieuse qui en dit plus qu'elle n'en a l'air, par exemple : "commencer par le problème, pas par les données" constitue une prise de position méthodologique essentielle, contre l'intuition et l'empirisme dominants.

Certains chapitres de l'ouvrage sont particulièrement utiles : ainsi les chapitres 16 et 19 qui rassemblent des études de cas et des FAQs, etc. Des chapitres traitent des blogs, des vidéos et de la viralité, du B2B. Le chapitre 13 est bienvenu : il propose une liste de plusieurs dizaines d'outils pour le monitoring de la marque, l'intelligence des réseaux, les social analytics, les alertes, le CRM, etc. Liste utile à condition de prendre le temps de tester les solutions proposées, d'en vérifier le fonctionnement et l'efficacité pour le cas, toujours particulier, que l'on traite.
Quelle place doivent occuper les médias sociaux dans l'entreprise ? Radicalement différents des médias
traditionnels, leur position est d'autant plus stratégique que l'on manque de repères. Qui doit les gérer ? Qu'est-ce qu'un community manager, selon le type de communauté concernée (administration, PME, assemblée élue, équipe sportive...) ? L'auteur (chapitre 18) confronte et compare les modèles possibles, laissant les lecteurs à leur inévitable responsabilité.

Les réseaux sociaux sont des pourvoyeurs de données, en continu, de données de plus en plus riches grâce aux terminaux mobiles (localisation, etc.). L'exploitation de ces données reste complexe voire discutable malgré la prolifération d'outils de surveillance, de mesure, de benchmarking. En fait, tout se passe comme si les réseaux sociaux avaient, de facto, le monopole du traitement des données qu'ils produisent.
Quelle est la fiabilité de ces données (question primordiale pour les journalistes) ? Le volume même de données produites et accumulées, leur complexité croissante rendent tout à fait vains les contrôles interprofessionnel traditionnels (audit, accréditation, etc.). Comment s'y retrouver, à qui se fier dans l'escalade des statistiques euphoriques publiées chaque jour ? Erik Qualman ne nous aide pas...

Les recettes proposées par cet ouvrage, banales ou ingénieuses, ne doivent pas être mises en oeuvre sans une connaissance approfondie des entreprise auxquelles on veut les appliquer. Elles ne dispensent surtout pas de penser, tester et retester : chaque cas, chaque situation est spécifique, demande un traitement adapté, un soin particulier. Pour la maîtrise des réseaux sociaux, comme souvent en gestion, il n'y a pas de raccourci, il faut comme dit le philosophe, faire et en faisant se faire...

Notons enfin que l'ouvrage est strictement occidental, centré sur la culture américaine des réseaux sociaux américains (quand ce n'est pas californien), ignorant l'Europe, mais surtout l'Asie et l'Afrique où les réseaux sociaux mobiles prennent une importance considérable et où ils ne répliquent pas l'expérience américaine. Réseaux sociaux, encore un effort pour être internationaux  !
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vendredi 19 avril 2013

Karl Marx, profession : journaliste

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Jonathan Sperber, Karl Marx. A Ninteeenth-Century Life, Liveright, 672 p., digital edition, 16,99 $ (20,59 $ hardcover).

A suivre la biographie de Marx proposée par Jonathan Sperber, le lecteur échappe à nombre de clichés colportés par les épigones soviétiques et les doxosophes de la philosophe française courante. Marx est de son temps et de ses illusions : comment ne pas l'être ? La biographie montre un Marx romantique et amoureux, un Marx fauché et mal soigné, se débattant dans les problèmes de santé (de ses enfants, de son épouse, de lui-même) et dans des difficultés financières chroniques (payer les médecins, payer l'épicerie, payer l'éducation des enfants, rembourser les créanciers...). Marx mêlera tout au long de sa vie des préoccupations terriblement quotidiennes à la théorie économique et à la tactique politique.
Cette biographie rafraîchit notre vision de Marx, la ré-humanise. Elle pose aussi la question de ce que peut être une biographie, de la pondération, nécessairement intuitive, que doit effectuer le biographe entre les effets de la situation personnelle et la logique de l'oeuvre.


La biographie de Jonathan Sperber remet au premier plan l'activité journalistique de Marx. Celle-ci est généralement sous-estimée quand elle n'est pas tout simplement ignorée par les spécialistes de science politique et de philosophie, qui s'en tiennent à quelques ouvrages canoniques (dont beaucoup sont posthumes et agrègent des articles). 
Journaliste sera le seul métier de Marx. Il écrit, fonde et gère des journaux (lève des fonds, etc.). Il n'enquête pas ; son terrain d'investigation est la presse, la documentation économique et historique, les débats parlementaires : journalisme de la chaire (Kathederjournalismus !), journalisme de données politiques et économiques déjà (moulinées à la main, en bibliothèque). C'est d'abord un polémiste ("contre" : Freuerbach, Stirner, Proudhon, etc.). Son bagage conceptuel est d'abord philosophique ; Marx est imprégné comme tous ses contemporains, de la philosophie de Hegel et des néo-hégeliens. Il lui faudra beaucoup d'énergie pour s'en libérer, la remettre sur ses pieds , "en défaire la gaine mystique pour en découvrir le noyau rationnel"), moyennant quoi elle constituera un bon viatique contre les positivismes.

A la différence de nombreux révolutionnaires de l'époque, Marx a reçu une formation classique : sa thèse de doctorat porte sur le l'atomisme grec, Démocrite et Epicure (il lira les classiques grecs, dans le texte, tout au long de sa vie). A l'université, il a suivi une formation juridique. Son premier article (1842) est symptomatique ; il porte sur la liberté de la presse en Prusse, commence en latin par une citation de Virgile et s'achève par une de Tacite !
Son univers intellectuel quotidien est celui de la presse (lectures plurilingues : allemand, français, anglais, italien, espagnol, etc.) et de la littérature classique : dans la famille, en pique-nique, on récite Shakespeare et Goethe. Il aime Dante, Cervantès et Balzac (et pas Eugêne Sue).
La presse est son gagne-pain de chaque jour ; pendant longtemps, ses seuls revenus réguliers lui viennent du New York Tribune, le principal journal américain, dont il est le correspondant européen (il rédige en anglais). Il collabore à plusieurs journaux (pigiste parfois pour six journaux à la fois, journaux publiés aux Etats-Unis, en Autriche, en Prusse, en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud...).

A côté du journalisme, l'oeuvre de Marx est une oeuvre constituée d'échanges épistolaires (Briefwechsel : 35 volumes de l'édition MEGA en cours). Des volumes de courrier, depuis les lettres de l'époque des fiançailles jusqu'à la correspondance politique (Marx sera un immigré apatride toute sa vie). Dans cette société déjà mondialisée, mais sans téléphone, on rédige sans cesse de longues lettres manuscrites (Marx a une écriture indéchiffrable). Marx passe ses journées dans les bibliothèques, prend des notes méticuleusement, longuement (Cf. les "cahiers de lecture"). Il écume la presse, notamment la presse étrangère et la documentation économique disponible à Londres.

Au cours de cette biographie, le lecteur ressent l'importance décisive, pour le travail intellectuel, des outils d'une époque : outils de documentation, de collecte et de traitement des données, d'écriture, de communication, de stockage, de paiement... Marx est dans le papier jusqu'au cou : journaux, livres, manuscrits, notes, lettres, etc. Nous ne le sommes plus guère. Marx est polyglotte : nous ne le sommes pas, lisant tout dans un anglais pasteurisé. Marx cherche, fouille, discute, interroge ; nous nous laissons aller à des moteurs de recherche configurés d'abord pour vendre des contacts publicitaires.
On ne réfléchit jamais assez aux conséquences du mode de production intellectuelle d'une époque sur les productions intellectuelles de cette époque (idées, etc.). Qu'est-ce que c'est, penser ?

N.B.
  • Au plan bibliographique, rappelons la thèse d'Auguste Cornu sur la "jeunesse de Marx" (1934) ; cette thèse est reprise dans l'ouvrage en 4 tomes publié aux Presses Universitaires de France en 1955 qui commence de manière prudente par une révérence à Lénine ! A. Cornu est alors professeur à l'Université Humbold, à Berlin-Est (zone d'occupation soviétique). L'ouvrage, extrêmement détaillé, est consacré à la période de formation du jeune Marx (1818-1844). Signalons encore la réédition de l'ouvrage de Marcel Ollivier consacré à Marx et Engels, poètes romantiques (Paris, Edition Spartacus, 1933 / 2014, 143 p.) et le film de Raoul Peck, "Le jeune Karl Marx" (2016, cf. la bande annonce).
  • Désoviétiser Marx et Engels ? Une nouvelle édition des oeuvres complètes, en langues originales, délivrée de la vision soviéto-centriste, est en cours (Marx Engels Gesamt Ausgabe, MEGA), avec une triple ambition : "Entpolitisierung, Internationalisierung und Akademisierung" (dépolitiser, internationaliser, universitariser). L'ensemble comptera 114 volumes et s'achèvera, espère-t-on, vers 2025 (59 volumes ont déjà été publiés). Plusieurs volumes sont accessibles en version numérique dont les tomes 1 et 2 de Das Kapital (MEGAdigital).

dimanche 14 avril 2013

Foucault parle de littérature


Michel Foucault, La grande étrangère. A propos de littérature, audiographie, Paris, éditions HESS, 224 p. 9,8 €. Pas de version numérique (ebook).

La collection audiographie publie des cours classiques : un cours de Durkheim sur Hobbes, de Fustel de Coulanges sur Sparte, notamment.
Cet ouvrage nouveau regroupe des textes de Michel Foucault, prononcés à la radio ou lors de diverses conférences universitaires. Textes mixtes donc, manuscrits, tapuscrits mais aussi parlés, oraux.

La première partie, "Le langage et la folie" reprend deux émissions de radio diffusées en 1963 sur Radio France.
"Le silence des fous" est un montage de discours de Foucault avec des textes lus à l'antenne : une scène du "Roi Lear" (Shakespeare), la mort du Quixote (Cervantes), les pitreries du Neveu de Rameau (Diderot) et puis des textes de Tardieu, de Leiris, Artaud....
"Si nous écoutions", dit Foucault. Mais le lecteur n'entend rien que sa voix intérieure. L'ouvrage n'est pas accompagné de CD, de fichier à télécharger. Pas de son. Dommage. Alors que dans l'émission originale, Cervantes est lu par des comédiens... Et le Neveu de Rameaux (Diderot) qui chante, crie, imite est dit par des comédiens. Mais il ne nous reste rien, le texte seul, plat, et le lecteur restera lecteur seulement. Pourquoi le priver de l'audio que l'on attend désormais ? Un lien, un podcast auraient suffi. L'émission s'intitulait "L'usage la parole". Pourquoi n'avoir pas fait, lorsque cela était possible -mais peut-être ne l'était-ce pas ? - ce qui a été réalisé avec les propos de Pierre Boulez ? On pourrait disposer aussi d'une reproduction de quelques pages manuscrites... Cela aurait laissé deviner le travail d'écriture particulier que demande ce genre de texte, compromis entre écrit-oral de la conférence avec notes, notes réécrites pour la publication en livre (dont les cours au Collège de France sont un autre exemple). Dommage.

Ces regrets valent pour tous les textes réunis dans l'ouvrage. Foucault professeur, conférencier : nous manquent les silences, les hésitations, les émotions et ne nous reste qu'un texte trop lisse, corrigé, hypercorrect. Dommage.
Cinquante ans après, les questions de Foucault, parfois banales, restent fécondes : "l'incidence de la réussite de Gutenberg sur la littérature", "dans la littérature, il n'y a qu'un sujet qui parle, et c'est le livre...", "Quel phénomène de parole" est la littérature... Quels rôles peuvent jouer l'analyse littéraire, la critique ?

Et l'on attend quand même la bande-son !
Cette publication pose inévitablement le problème de la publication numérique : les possibilités sont plus nombreuses qu'il y a quelques décennies. L'édition devrait y veiller, c'est une de ses chances futures. Les lecteurs de Foucault, aujourd'hui, lisent sur des tablettes et des smartphones.
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dimanche 7 avril 2013

Des primates à Facebook, du grooming au bavardage


Robin Dunbar, Grooming, Gossip and the Evolution of Language, Cambridge, Harvard University Press, 1996, 230 p.,  Bibliogr., Index

L'ouvrage de Robin Dunbar, publié dix ans avant le développement des réseaux sociaux, permet de mieux comprendre leur rôle et certaines de leur propriétés et limites. L'auteur puise son information dans des  travaux de paléo-anthopologie. Deux types d'observations se trouvent au départ de son travail :
  • le grooming chez les primates (10 à 20% de leur temps en gestes de proximité, contacts, réciprocité, etc.).
  • la relation entre la taille du cerveau des primates et la taille des groupes dans lesquels ils évoluent : plus le cerveau est important plus l'univers de socialisation est étendu. La taille optimum des groupes humains est ainsi obtenue (Dunbar's number). Ce nombre 150, Dunbar le retrouve dans diverses situations de socialisation comme celle des échanges de cartes de Noël (cf. R.A. Hill, R. I. M. Dunbar, "Social network size in humans", Human Nature, Vol. 14, N°1, pp. 53-72). Notons que c'est le nombre de membres autorisé par une messagerie instantanée comme Path.
Professeur de psychologie à l'université de Liverpool, Robin Dunbar est aussi l'auteur d'un ouvrage de vulgarisation plus récent : How many Friends Does a Person Need? Dunbar's Number and Other Evolutionary Quirks (Harvard University Press, Cambridge, 2010).

Robin Dunbar fait l'hypothèse que, chez les humains, le grooming s'est mué en bavardage, pour gagner du temps (le grooming classique aurait occupé 45% du temps des humains) : "I am suggesting that language evolved to allow us to gossip". Se déduisent de cette thèse première plusieurs conséquences dont nous retiendrons celles qui permettent de mieux observer et comprendre les réseaux sociaux numériques.
Le bavardage, terme péjoratif, traité avec condescendance serait en réalité essentiel. D'où le succès des réseaux sociaux numériques qui accordent au bavardage une place primordiale.
Le langage est d'abord fait pour bavarder, pour se tenir au courant de la vie alentour, des proches, famille élargie, voisins, collègues, amis, etc. On bavarde dès la prime enfance. On bavarde en attendant, on bavarde au bistrot, dans les boutiques, on papotait à la veillée, on papote devant la télé, lors des cérémonies religieuses, au marché, dans la cour de récréation ; bavarder, c'est "rapporter" les toutes petites choses de la vie, parler pour ne rien dire sauf l'essentiel "tu es là, je suis là, voilà ce qui se passe". Le bavardage est tellement fondamental et urgent qu'il s'infiltre partout, même dans les réunions professionnelles, les conférences, les cours. Rien ne résiste à la tentation du bavardage. On "veut dire" ("You see what I mean"...), on répète...

Racontars et commérages, causette : le bavardage est formé d'énoncés échangés sur le monde qui "nous regarde", des autres qui nous intéressent (l'entre-nous : inter-esse) : qui fait quoi, avec qui ? Qu'est-ce qu'elle / il devient (gestion des stratégies amoureuses et matrimoniales) ? Qui dit du bien / du mal, elle le trompe, tu as vu comment il l'a regardée, tu crois qu'il est gay, etc. ? Que font ses enfants ? Et tout cela à propos des voisins, des collègues, des copains d'avant, des décès et des mariages, des récoltes.
Pour Robin Dunbar, ce qui fait marcher le monde, le lubrifie en quelque sorte, est ce bavardage continu, sorte de grooming verbal : "it's the tittle-tattle of life that makes the world go round, not the pearls of wisdom that fall from the lips of the Aristotles and the Einsteins". "L'universel reportage" que dénonçait Mallarmé, et qu'illustrait selon lui la presse, importe donc davantage que "l'absolu".

Robin Dunbar réhabilite le bavardage
  • Le bavardage (gossip), interprété comme grooming, est déterminant pour l'entretien de la réputation, la gestion de l'influence (le rôle des invitations, des repas, etc.), de l'image. Echanges, partages d'information, recommandations, complicité... 
  • Les humains évoluent au sein de réseaux sociaux dont la taille maximum est de l'ordre de 150 personnes ("cognitive limit", "Dunbar's Number"). Au-delà, on ne sait plus de qui l'on parle, qui nous parle, ni à qui l'on parle. Que signifie, dans cette optique, quelques centaines d'amis ou plus sur Facebook ? Tous les amis ne se valent pas (quel quantilage pour trier ?).
  • Le cercle restreint des personnes avec qui l'on a des relations étroites ("people with whom you can simultaneously have a deeply empathic relationship"), les "intimes", compte une quinzaine de personnes. C'est le nombre que l'on obtient si l'on demande à quelqu'un le nombre de personnes dont le décès le / la dévasteraient (d'où son nom : "the sympathy group") ; en moyenne, il / elle en cite une douzaine.
  • La fréquence des inter-relations au sein d'un groupe varie avec sa taille. Couverture / répétition ?
  • La presse locale alimente ce bavardage avec les rubriques de faits divers locaux, l'état-civil ; la presse magazine étend l'objet du bavardage à des inconnus, des "people" ("intimate strangers") : bavardage passif. 
  • Le bavardage est aussi un terreau pour la poésie et la musique ; son bruit de fond appartient au paysage sonore (soundscape). Cf. Anne-James Chaton et la sous-conversation des médias.
Si l'évolution du langage va dans le sens de l'optimisation du temps disponible pour les interactions (le grooming original prenant trop de temps), le réseau social avec son bavardage numérique représente-t-il le stade supême du groomingLes réseaux sociaux numériques n'inventent pas le social, ils l'industrialisent. Peut-être. Peut-être sont-ce des réseaux formés par et dans des sociétés qui n'ont plus le temps (cf. "It's complicated. C'est la faute à Facebook" !).
Comment évoluera le bavardage ? Avec la communication numérisée (omniprésence, photographie et vidéo), le bavardage qui était jusqu'à présent un discours sans trace est désormais enregistré ("save chat history" propose Google), écrit, réduit en data et metadata, stocké. Sa valeur pour le ciblage publicitaire est incomparable, d'autant que, pour l'instant, cette data est collectée gratuitement. Mais il fait aussi l'objet de résistance (cf. The time of Snapchat: the ephemeralnet).
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