dimanche 20 mars 2011

Etre à la page

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Gorgias (Platon, Belles Lettres). Pagination Estienne
à droite. Ex.: le mot souligné est entre 451d et 451e.
En passant du papier aux écrans, les livres ont brouillé leur pagination. Une autre s'y est substituée, relativement approximative et qui ne permet guère au lecteur de s'y retrouver, de citer précisément, etc. Les utilisateurs s'en plaignent et notamment ceux des Kindle.
Avec le support numérique, le lecteur a la capacité de zoomer et d'adapter à sa vue la taille des caractères(font size), donc de la page. De plus, l'acheteur d'un livre numérique peut le lire sur un Kindle mais aussi, à d'autres moments, sur une tablette (iPad), un smartphone, un ordinateur... Au-delà de la versatilité des supports et des expériences de lecture, il fallait retrouver un universel facilitant la communication et le partage des références (ayons une pensée compatissante pour "les damnés de la thèse", ces arpenteurs de bibliographies !).

Amazon propose une pagination reprenant exactement, au signe près, celle de la mise en page des livres de papier (les originaux). Cette pagination n'est pas affichée en permanence, il faut appuyer sur le bouton "menu" pour la faire apparaître.
Le besoin d'une référence universelle n'est pas facile à satisfaire. Le cas classique est celui des oeuvres de Platon : l'édition Estienne (Genève, 1578) sert de référence à toutes les éditions ultérieures. 
Le livre de papier, vaincu, aurait-il vaincu son féroce vainqueur ? Provisoirement, car, bientôt, les originaux seront numériques, dont les livres de papier ne seront qu'une version particulière. Une pagination numérique triomphera, mais s'agira-t-il encore de pages, de livres ("non-book texts", dit D.F. McKenzie) ? Pourquoi pas des marqueurs universels (tags) auxquels le lecteur ajouterait ses marqueurs personnels (déjà possible avec les e-readers ?
Le besoin de pagination ne touche pas que la lecture, mais aussi l'écriture. Google Docs ajoute la possibilité de "voir" les textes écrits avec le traitement de texte découpés en "pages" ("the hability to see visual pages on your screen") pour les imprimer ("native printing") et non plus de laisser le texte "compact".
L'imprimé impose sa culture visuelle au numérique.
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