Comment évolue la langue sous les coups des jeunes générations ? Elle est affectée par les technologies populaires et récentes, par les préoccupations d'un âge et d'une époque. Langue de la jeunesse, jeunesse de la langue ? Les lexicographes écument les usages langagiers pour intégrer dans leur liste les créations lexicales et justifier ainsi de nouvelles éditions.
Langenscheidt (éditeur allemand de dictionnaires) et myspace parrainent le site Jugendwort.de qui recense les nouveaux mots élus, par les jeunes allemands, "mots de l'année". Quelques uns des mots et expressions répertoriés :
- lollig : lol, le fameux "laughing out loud" donne un adjectif allemand qui à son tour donne un substantif : "die Lolle"
- Bildschirmbraüne : bronzé comme un écran d'ordinateur, vise les personnes passant trop de temps sur leur ordinateur,Geeks
- Ein Jambalaner : quelqu'un dont la sonnerie de téléphone exaspère les proches ; d'après le nom d'un site de sonneries, Jamba! qui, en Allemagne, a inondé de sa publicité les écrans de chaînes musicales comme MTV et VIVA (dont un message satirique controversé mettant en scène Hitler dans ses toilettes, 4 millions de téléchargements sur YouTube).
- Hartz-IV TV : émissions de télévision médiocres diffusées l'après-midi (Hartz est le nom d'un parlementaire qui donna son nom à un ensemble de textes législatifs sur l'indemnisation du chômage voté entre 2002 et 2005...)
- eine Gehirnkrücke : mot à mot, béquille pour le cerveau, désigne les outils numériques portables (téléphone, calculette, etc.)
- Ego-Deko : tattoo, piercing, maquillage pour la mise en scène de soi
"Hä?? Jugendsprache", "langue de la jeunesse", un petit dictionnaire de ces mots et expressions est publié (4 €) par l'éditeur allemand Langenscheidt en cinq langues (allemand, anglais/américain, espagnol, français, italien).
Que faire de ces mots quand on travaille avec pour matière première les mots que les internautes utilisent pour rechercher un produit, un document ? Comment les prendre en compte pour mettre en place un marketing comportemental bien équilibré ? Ces mots énoncent une génération, un rapport plus ou moins détendu à la langue et aux registres de langue, donc une fraction de classe sociale. Ils sont matière à distinction, connotant plutôt que dénotant, jouant aussi de l'hypo-correction. Relevant donc d'une approche sémantique plutôt que lexicale.
Peut-on - et comment - prendre aux mots une génération, une fraction de classe sociale à ses propre mots ?
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Cette génération, n’a-t-elle pas ses propre mots pour justement contourner toute prise ? C’est le cas du « Verlan », du moins à ses débuts, le cas du langage codifié des « Hobos » (travailleurs migrants durant la Great Depression) qui essayaient, eux aussi, de ne pas se faire prendre –littéralement, cette fois, etc. « Comment prendre aux mots une génération, une fraction de classe sociale à ses propre mots ? » En donnant aux mots le temps de s’éroder et à la génération de « se ranger »?
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