vendredi 30 mai 2014

Suppliques, médias de la dernière chance

Yves-Marie Bercé, La dernière chance. Histoire des suppliques du Moyen-Age à nos jours, Paris, 2014, Librairie t Parrin, 277 p. Bibliogr. Annexes.

La dernière chance : c'est la lettre que les humbles, les sans grade, les malheureux, les désespérés, les condamnés font parvenir aux tout puissants après avoir tout tenté, tout essayé. Communications ultimes, faveur ultime, textes du désespoir : dernières chances de se faire entendre.
Communication qui court-circuite les étapes et les intermédiaires habituels. Yves-Marie Bercé a réuni divers types de ces textes, de ces comportements pour en dégager les caractéristiques et sensibiliser à cette histoire modeste du désespoir. Le droit de requête est une institution politique et morale presque universelle.

L'auteur consacre son premier chapitre aux requêtes, placets, pétitions adressés au Roi et à sa justice puis aux puissants, dictateurs et monstres de tout bord.
Pour toute requête, il faut écrire, argumenter, c'est le travail d'intermédiation des écrivains publics et de la basoche. Ces entremetteurs sont rôdés aux écritures officielles ; ils jouent un rôle primordial dans l'aboutissement des démarches, ce sont souvent les plus humbles des conseillers juridiques et ils prennent place près du Palais.
Les recours en grâce font l'objet de suppliques, l'autorité peut gérer l'exception, le droit d'échapper au droit, de libérer un prisonnier, de revenir sur un jugement. Laissée au libre arbitre du souverain, la grâce subsiste dans les Etats républicains (cf. l'article 17 de la Constitution française). Laisser une chance, un espoir de pardon après le dernier jugement, le dernier arrêt, la condamnation.

Le dernier chapitre du livre traite des suppliques aux médias, et, tout particulièrement, de "l'accès à la parole radiophonique". Les exemples ne manquent pas : paroles de routiers d'abord, avec Max Meynier ("Les routiers sont sympas", sur RTL en 1972), paroles de femmes avec Ménie Grégoire (RTL) qui recevait des dizaines de milliers de lettres (5 000 par semaine : "l'anti-courrier du cœur"), avec Macha Béranger (France Inter)... Quel rôle des médias ces manifestations populaires massives révèlent-elles ? La radio, parole de la dernière chance, de la dernière écoute ? La parole libératrice, salvatrice, écoutée enfin ? "Je ne vous le fais pas dire", aurait commenté un célèbre psychanalyste.

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