mardi 21 janvier 2014

Victor Hugo, journaliste ?


Hugo journaliste. Articles et chroniques, choisis et présentés par Marieke Stein, Paris, GF Flammarion, 2014, 463 p., Bibliogr., Index.

Quelle fut la relation de Victor Hugo à la presse au cours de sa très longue carrière politique et littéraire ?
Le titre de l'ouvrage est quelque peu trompeur car si Victor Hugo recourt à la presse pour faire connaître ses opinions, il n'a pas été journaliste, encore moins directeur de journal. D'ailleurs, il n'a pas tiré de revenus directs de la presse (feuilletons, comme Zola ou Baudelaire). Il utilise la presse comme tribune politique pour faire connaître et propager ses opinions : proclamations, adresses, lettres aux éditeurs. Pourtant, Victor Hugo a effectué un discret travail de journaliste, observant et notant des faits au jour le jour ; mais ce travail journalistique (Choses vues) ne sera pas publié de son vivant (aujourd'hui chez Gallimard, Paris, 2002, 1421 p.).

Les textes réunis par Marieke Stein sont répartis en trois catégories : les articles et chroniques (publiés au début de la carrière littéraire de Victor Hugo, alors ultra-royaliste), ensuite les interventions politiques dans la presse et, enfin, les interventions pour la défense de la liberté de la presse et la défense des journalistes.
Le choix de textes réserve des surprises : en effet, les textes à tonalité journalistiques de Victor Hugo (comme ceux d'autres écrivains) sont généralement absents des manuels scolaires et des anthologies littéraires ; leur légitimité culturelle est moindre. A titre d'exemple, je signale le texte intitulé "Les condamnés à mort", publié dans Le Rappel pour défendre des communards : "un homme condamné à mort pour un article de journal, cela ne s'était pas encore vu", ou encore le texte de Victor Hugo prenant la défense de son fils menacé de la prison pour avoir attaqué la peine de mort dans L'Evénement (16 mai 1851).

Liberté de la presse, dénonciation de la peine de mort, éducation pour tous sont les thèmes constants des interventions de Victor Hugo dans la presse à partir de 1848. Victor Hugo défend systématiquement les journalistes condamnés. Il ne cesse de répèter que la presse concourt à la souveraineté du peuple et à l'éducation, qu'elle constitue un "vaste enseignement public et presque gratuit". Sans elle, le suffrage universel est vain. Il soutiendra les initiatives d'Emile de Girardin pour lancer des titres populaires et bon marché (La Presse, 1836).
Finalement, note Marieke Stein, aux faits, Victor Hugo préfère les idées et, au journalisme, la littérature (qu'elle qualifie joliment de "journalisme non périssable"). Les faits sont pour Victor Hugo des "idées à l'état de germe". Dans ce primat accordé aux idées sur les faits, on peut entrevoir le péril qui menace le journalisme : ne pas s'en tenir aux faits, leur préférer le confort des opinions. Doxosophes.

N.B. Dans cette collection, GF Flammarion a publié Balzac, Baudelaire, Gauthier et Zola journalistes.

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