lundi 28 novembre 2011

Traiter les réseaux sociaux comme des choses ?

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Claire Bidart, Alain Degenne, Michel Grossetti, La vie en réseau. Dynamique des relations sociales, Paris, PUF, 2011, 355 p., Bibliogr., Index. 29 €

Travail de sociologues traitant des "relations sociales concrètes, des liens qui s'établissent entre des personnes et des réseaux que ces liens constituent" : "membres de la famille, amis, voisins, relations de travail ou d'affaires, partenaires amoureux, vagues connaissances". L'objectif de ce travail est "une vision d'ensemble des relations sociales et de leur dynamique à l'échelle des individus et de ce qui constitue leur entourage".

Méthodes, terrains
Deux études empiriques : l'une à Toulouse (399 personnes) procédant par "génération de noms" (10 932), l'autre quali, longitudinale (1995-2004) à Caen, en trois vagues (87 personnes lors de la première). L'annexe énonce les méthodologies mises en oeuvre.
Tout le travail de recherche est décrit méticuleusement, patiemment, méthode et résultat. Cette exposition permet de saisir la construction du savoir, la génération des conclusions : indispensable épistémologie, tellement appréciable alors que la faveur journalistique et économique des réseaux sociaux charrie et assène à la volée tant d'affirmations sans raison.
Travail impressionnant de rigueur, de lenteur aussi, dont les conclusions sont modestes, prudentes et toujours savantes, rapportées à l'histoire des concepts de la sociologie (cf. l'extension de la littérature évoquée en biblio).

Et maintenant ? 
On aimerait que nos chercheurs quittent l'abri de leurs institutions et se frottent, avec toute la circonspection dont ils ont fait montre, au western des "réseaux sociaux". Qu'ont -ils à en dire, forts de ce qu'ils ont appris, de ce que Facebook prétend savoir (et vendre), Opengraph, Lifeline, etc. Que voient-ils en utilisant Twitter, Google+ ou Foursquare ? Je serais curieux de les entendre, de les voir confrontés à ces objets flous et dynamiques. Vont-ils, armés de leur panoplie conceptuelle, voir émerger des formations sociales nouvelles, regarder se tisser, là aussi, "le grand tissu de la société" ? Tout bonnement : comment s'y prendront-ils ? Que disent-ils/elle à des étudiants croisant dans Facebook à longueur de journée (et de cours) ? Mais une science sociale se doit, peut-être, de rompre avec de telles demandes du marché publicitaire et de les refuser.

Cet ouvrage est une étape indispensable pour affronter les problématiques des réseaux sociaux, pour les remettre en chantier de manière scientifique, rigoureuse et ne pas se laisser aller à suivre la simple pente qui les entraîne. L'écart entre un tel travail et les demandes publicitaires de traitement des réseaux sociaux laisse rêveur.
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