mercredi 13 novembre 2019

La déportation et l'assassinat des Juifs en France



Jean-Luc Pinol, Convois. La déportation des Juifs de France, Editions du Détour, Paris, 2019, 319 p. Bibliogr., Index des convois. Sources, méthodes, outils. Préface de Serge Klarsfeld.

Voici un ouvrage de chercheur, un ouvrage d'historien, un ouvrage de spécialiste d'analyse spatiale.
Le travail a pour objet la déportation des Juifs de France, qu'ils fussent Français ou étrangers, pendant la période qui s'étend de la défaite militaire française (mai-juin 1940) à la défaite militaire allemande (le dernier convoi de déportation quitte Drancy le 17 août 1944, pour Auschwitz). C'est l'histoire de près de 80 000 personnes, chiffre qui énonce "le caractère massif de la persécution des Juifs".
Au point de départ de l'étude, se trouve le fichier établi et remis par Serge Klarsfeld ; ce fichier a été cartographié puis étudié de manière très détaillée par l'auteur, Professeur et chercheur à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon (chaire d'histoire urbaine contemporaine).

L'ensemble des 79 convois a été analysé indiquant les effectifs, la provenance (les parisiens, Seine et banlieue, et les autres), ainsi que la présence d'enfants. Pour chaque convoi - et le livre est exhaustif - l'auteur précise la provenance des personnes déporté/es et il indique, sur une carte, l'endroit de France d'où la personne a été déportée. Nous avons donc une histoire de la déportation de France des Juifs.
Mais cela n'est pas tout, car à la déportation, il faut ajouter les fusillés, les guillotinés, tous ceux et celles qui ont été massacrés, et donc qui n'ont pas pu être déportés.
Le livre montre l'évolution habile de la répression : d'abord, les personnes juives doivent se déclarer dans les commissariats de police. Là, ensuite, leur carte d'identité est marquée en rouge du cachet "Juif" ou "Juive". C'est le temps du fichage, de la définition et du repérage : 149 734 personnes sont ainsi recensées à Paris. Alors, peut commencer la deuxième phase : il s'agit de concentrer les Juifs dans des lieux précis. Enfin, peut se mettre en place la troisième phase, celle de la déportation vers des camps spécialisés, les camps de la mort.
L'encadrement juridique constitue un bon prétexte : après la loi du 3 octobre 1940 qui limite les droits civiques de tous les Juifs, puis celle du 4 octobre qui limite celle des Juifs étrangers, viennent enfin les textes repris et amplifiés par celui de 2 juin 1941. La répression peut alors commencer, et elle commence le 14 mai 1941, puis les 20-24 août 1941... les premiers trains de déportés quittent la gare parisienne pour le camp d'extermination de Auschwitz... Le 7 juin, le port d'une étoile de tissu jaune a été imposé qui facilitera les opérations d'arrestation...
Et la police française fait "son travail"... tout comme une grande partie de la population française tellement soucieuse de légalité et aussi quelque peu intéressée.
Carte d'origine des déportés
du convoi N°35 parti de
Pithiviers pour Auschwitz,
le 21 septembre 1942
Mais l'ouvrage donne également une brève représentation des Justes, de ceux - si peu nombreux - qui ont aidé des Juifs à échapper aux Allemands et à leurs supplétifs (cf. pages 193-206).

A ce bilan des déportations (environ 80 000), il faut ajouter celui des 1 200 personnes qui n'ont pas été déportées car elles sont mortes avant, en France. Notamment en 1944, en Dordogne par exemple (division Brehmer) ou dans la région lyonnaise et les Alpes où sévissent les Barbie, Paul Touvier et Lécussan. Les Allemands sont aidés dans leur tâche, comme toujours, par les dénonciations effectuées par les collaborateurs français, qui bénéficient des biens volés aux Juifs arrêtés.

Par sa méthode rigoureuse, imparable, l'ouvrage de Jean-Luc Pinol donne dans ce livre une grande leçon d'histoire. Histoire non achevée et qui sera compliquée encore par des modalités informatiques d'interactivité, notamment. Car la cartographie n'a pas encore dit son dernier mot.

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