Steven G. Marks, The Information Nexus. Global Capitalism from the Renaissance to the Present, 2016, Cambridge University Press, 250 p. Index. 22€
L'ouvrage commence par un historique du mot "capitalism" en Europe. Le terme émerge au début du XXème siècle, surtout chez deux auteurs allemands : Werner Sombart qui voit dans le judaïsme la source du capitalisme et Max Weber qui publie L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme (1905). Werner Sombart finira par se rallier aux nazis ; il associera, dans une même dénonciation, capitalisme et judaïsme, l'un et l'autre étant "anti-allemands" (son argumentation recoupe celle de Martin Heidegger). La condamnation du capitalisme précède sa définition : celle-ci embrasse celle de l'industrialisation, de l'urbanisation, du règne de l'argent, de la machine et de l'insatiable besoin d'innovation ("destruction créative" des moyens de production selon Karl Marx puis Joseph Schumpeter). Le capitalisme semble indéfinissable.
La seconde partie de l'ouvrage passe en revue les différentes caractérisations du capitalisme ; il s'avère que les propriétés que l'on mobilise habituellement pour distinguer le capitalisme sont présentes dans toutes les économies, non seulement l'économie industrielle européenne mais aussi les économies plus anciennes, les économies asiatiques, etc. L'opposition classique et simplificatrice de Ferdinand Tönnies, entre communauté (Gemeinschaft) et société (Gesellschaft) semble également stérile.
Pour dépasser ces apories successives, Steven G. Marks en vient à proposer une solution plus explicative des caractéristiques du capitalisme : il ne se distingue des autres régimes économiques que par la circulation et la concentration de l'information (information nexus). Le poids de l'information fait son apparition tardive dans l'analyse économique des coûts de transaction (Friedrich Hayek, Georg Stigler) ; en revanche l'information nexus s'observe dès le Moyen-Âge avec le développement des techniques comptables (partie double), des transports, du courrier et de la poste, des annuaires, des catalogues, d'abord en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas puis dans toute l'Europe de l'Ouest. Le développement du télégraphe, du rail, des journaux, des données commerciales accompagnent la révolution financière (banques, bourses, crédit) : le capitalisme est né, l'électricité, le commerce de masse, la presse en sont des symptômes et des acccélérateurs. Son couronnement (son stade suprême ?) est l'ère numérique du commerce des données, sa mondialisation. L'ouvrage se conclut par une réflexion sur l'économie de la data.
Pourquoi définir encore une fois le capitalisme ? Est-il même possible de l'enfermer dans une définition ? A force de vouloir tout embrasser, la thèse de Steven G. Marks n'est pas très convaincante ; toutefois, sa démonstration mobilise beaucoup d'arguments avec pertinence. Tous ces rapprochements donnent à voir et à penser les économies et sociétés de l'information sous des angles inattendus. Et, finalement, on ne s'éloigne pas tellement de la première phrase du Capital : "La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste apparaît comme une énorme accumulation de marchandises". Remplaçons marchandise (Ware) par data et voici le nouveau mode de production capitaliste...
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