mardi 4 janvier 2011

Internet en Chine

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Redwired. China's Internet Revolution, Sherman SO, J. Christopher Westland, Marshall Cavendish Business, 246 p. Index.

La Chine domine Internet et le Web par le nombre de pratiquants. Elle y contribue avec des acteurs majeurs, de taille et d'emprise mondiale. La littérature sur le sujet est rare dans les langues occidentales : en Occident, faute de connaître le chinois, la Chine reste une "nation parlée" par les autres. Cet ouvrage est dans cette lignée. Ces limites entendues, il apporte des données et des informations indispensables pour aborder le web chinois. Notons que sa trame est celle d'un dialogue Chine / Etats-Unis : l'absence de l'Europe, de ses universités, de ses chercheurs, de ses entreprises est criante. L'Europe semble hors-jeu de cet ouvrage consacré à l'économie de l'innovation numérique. Il y a là un involontaire avertissement.

Evoquons d'abord les statistiques. Ce sont d'abord quelques pages en fin de volume, issues du CNNIC, d'Analysys International et de IDC. N'étant pas accompagnées d'un mode d'emploi élémentaire (production, limites de fiabilité, benchmarks, etc.), elles sont difficiles à interpréter. Les autres données citées sont celles que publient les sociétés étudiées. Beaucoup de ces données sont déjà trop anciennes, donnant à ce livre une tonalité historique, néanmoins utile. On observe des coups déjà joués, des parties achevées.
Le livre passe en revue l'itinéraire des grandes entreprises du numérique chinois et compare leur modèle d'affaires avec celui de leurs équivalents américains : les confrontations des couples Sina / Yahoo!, Baidu / Google, Ctrip / Expedia, Taobao / eBay, PayPal / Alipay, Amazon / Dangdang, Tencent-QQ / ICQ, Youku / Youtube sont éclairantes. Cette approche comparatiste est féconde et illustre les différences entre les modalités de la réussite aux Etats-Unis et en Chine.
N.B. Une mise à jour sur le Web et un glossaire chinois / anglais compléteraient utilement ce travail.

Au-delà de la description minutieuse des grandes entreprises du numérique chinois, que retenons-nous ?
  • L'importance des Etats-Unis dans le développement du numérique chinois. 
    • Financements (seed money, NASDAQ, à l'exception notoire de QQ/Tencent financé par un groupe sud-africain )
    • Formation des cadres et innovateurs par les universités (Stanford, Georgia Tech, Concordia College, SUNY Buffalo, MIT, Carnegie Mellon, etc.) et les grandes entreprises (Yahoo!, Oracle, Sybase, Merrill Lynch, Microsoft, General Electric, etc. ).  
    • Les expatriés retour d'Outre-Mer (海归) rapportent en Chine des savoir faire, des idées et l'envie de réussir. 



  • Les auteurs font percevoir les avantages d'être chinois (la langue, le soutient de l'Etat, la connaissance des rouages administratifs et économiques, implicites et tacites) et les erreurs commises par les étrangers : 
    • Ancrage et insertion locaux insuffisants (cf. les échecs de eBay, de Google).
    • Sous-estimation des différences : voir la Chine avec des préjugés occidentaux
L'adaptation à la situation chinoise d'un modèle américain ne va pas de soi. L'imitation pure et simple échoue. En fait, plus qu'apprendre les manières américaines aux Chinois, il faudrait apprendre les manières chinoises aux sièges américains, qui voient la Chine de loin, en ignorent les langues et les cultures (cf. la leçon ancienne et si actuelle de Matteo Ricci). Les erreurs de jugements des VC américains ou, pire, américanisés, relèvent d'abord d'un superbre ethnocentrisme. Ce que dit tacitement cet ouvrage, c'est que le temps la condescendance est révolu.
Le XXI ème siècle sera chinois et numérique.
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