jeudi 9 septembre 2010

Les mots qui nous manquent

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"Uns fehlen die Worte", avant d'être un livre, fut d'abord une émission de la chaîne germanophone 3sat qui réunit des programmes des télévisions des secteurs publics de langue allemande (Allemagne, Autriche, Suisse). Le principe de l'émission consiste à faire appel au peuple des téléspectateurs germanophones pour trouver "les paroles/expressions qui manquent" pour s'exprimer et communiquer dans la vie quotidienne, et proposer des solutions. Mais la langue se change-t-elle par décret ? Revenons au Cours de linguisique générale de Saussure (1906-1911) : "La langue est de toutes les institutions sociales celle qui offre le moins de prise aux initiatives" ou encore "le signe linguistique échappe à notre volonté".
Les nombreuses réponses recueillies par l'émission peuvent-elles contribuer à l'enrichissement de la langue ? Cette créativité sur commande, à la demande, de type crowd sourcing, diffère radicalement de l'enrichissement spontané, involontaire, collectif, de la langue par ceux qui la parlent, la "masse parlante" (Saussure). Enrichissement déborde le strict lexique pour développer et entériner de nouvelles tournures.
Deutscher Taschenbuch Verlag (DTV), 10,6 €

Quels mots manquent ? Exemple.
Les germanophones n'ont pas de mot pour désigner la partie à l'intérieure d'un petit pain ("das leckere, weiche innere eines Brötchens") ; les francophones disposent d'un nom évident ("la mie"), en revanche, ils n'ont pas de mot pour "das Brötchen" (qui n'est pas un "petit pain"...). Situation identique en anglais où les traducteurs, "At a loss for words", diront "soft part of bred". Google translate, qui traduit le mot "mie" par "crumbs" (miettes) et "das Brötchen" par "rouleau", est fortement déconseillé, aux boulangers et aux examens !

Le marché des mots
Cet ouvrage renvoie de manière parfois spectaculaire, souvent humoristique, à la créativité langagière dans des sociétés où les médias numériques accélèrent la circulation des mots (de l'invention à l'imitation), étendent leur couverture et multiplient leur fréquence (puissance du buzz numérique, des copiés/collés, retwitt, RP, agrégateurs, partages, mash-up, etc.).
La notoriété d'une création langagière peut être acquise plus rapidement, et son obsolescence aussi : on pourrait estimer le GRP d'un mot, évaluer son image (de marque) voire même son bêta et leurs évolutions (mémo / démémo). Avec Internet, tout mot est une marque, et toute marque n'est qu'un mot (comme l'indique la possibilité d'acheter des noms de marque aux enchères dans Ad Words. Cf. le communiqué hostile de l'UDA). Les mots des noms de domaine ou de d'applis constituent également un marché des mots (cf. les problèmes de "name squatting" et de découvrabilité quand le nombre des applis d'Apple croît, dépassant 250 000). Problèmes voisins pour Twitter (usurpation de nom, d'identité, de marque).
Internet devient le dictionnaire des dictionnaires d'usage (c'est manifestement l'une des ambitions de Google), là où s'observent le plus aisément, mais pas exclusivement, les mouvements de la norme.

La question de la créativité langagière renvoie à la place des mots (Wörter) et paroles (Worte) dans les moteurs de recherche, à leur efficacité socio-linguistique pour le ciblage comportemental. A la place - presque vide - du sémantique aussi. La logique traditionnelle du marché des mots est dynamisée par l'évolution des moteurs de recherche (cf. Google Instant et la vitesse d'apparition des mots-syntagmes / suggestions-résultats).
Etant donné un besoin de communication, quels sont "les mots [qui] pour le dire arrivent aisément" ?
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3 commentaires:

  1. Quand il n’existe pas le mot pour la chose qu’on veut dire, ça peut vraiment énerver. Les personnes, qui parlent une deuxième langue réalisent très bien, que pour beaucoup de chose il n’existe pas le bon mot. Si on parle une seule langue, on ne le réalise normalement pas, mais si on fait des traductions, on se rend compte qu’il y a beaucoup de mots manquants. Savoir parler une autre langue est toujours un avantage, mais je pense aussi, que ça ouvre l’horizon de la langue. Une langue nous donne des restrictions à se prononcer, et si on parle plusieurs langues on peut étendre ces limites. J’ai écouté par quelque part, que la nouvelle définition du analphabétisme peut être, si une personne parle seulement une langue. Je peux bien suivre ce raisonnement.
    L’anglicisme en Suisse, et souvent un effet de l’absence d’un mot approprié. En particulier, dans la thématique des nouveaux technologies. Et aussi, parce qu’il y a déjà beaucoup personnes, qui savent parler l’anglais, ces mots sont vite adaptés et acceptés. Au réseaux sociaux on trouve souvent des phrases ou même des mots composés de différentes langues. Nouvelles créations sont plus vite diffuser et accepter comme avant. L’évolution des langues est accélérée grâce au numérique.

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  2. Patrizia Lamprecht12 décembre 2012 à 00:17

    Les mots qui manquent ou les mots avec des différentes significations causent vraiment des problèmes si on apprend une langue. On ne peut pas traduire littéralement ou s’exprimer de la même façon.
    L’internet ou les téléphones mobile ont changé l’usage des langues totalement. Non seulement des nouveaux mots sont créé et diffusé très rapidement (par exemple « lol » ou « OMG »), mais aussi une langue propre est créé. Par exemple en espagnol, on écrit d’une manière différente si on envoie des messages par téléphone ou dans l’internet : On n’écrit pas des vocaux ou des accents pour sauver des signes et du temps (« Qué estás haciendo ? » - « k tas aciend ? »). Ou on mélange des langues (« Es muy fashion. »). D’une côté, c’est drôle, parce que beaucoup des adultes ne comprennent pas cette langue et ils ont des difficultés pour lire des messages des jeunes. De l’autre côte, beaucoup des jeunes ne peuvent plus écrire de la manière correcte et font beaucoup de fautes orthographes. Je suis curieuse comment la langue online se va développer.

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  3. Se rendre compte qu’on ne maîtrise pas parfaitement une langue est frustrant. Combien de fois a-t-on pas trouvé les bons mots durant une conversation et combien de fois a-t-on rien dit parce qu’on n’avait pas le vocabulaire en tête?! Chaque fois que ça m’arrive, je ma fâche sur mes compétences linguistiques limitées. Même que je maîtrise bien la langue allemande, bon à savoir qu’il y a quelques personnes qui s’occupent de remplir les blancs et de trouver des mots pour ce qui était difficile à décrire avant. Être créatif et en même temps clair n’est pas une tâche facile. Mais le résultat nous facilera la vie, à condition que les nouveaux mots soient adaptés par la masse. Dommage qu’il y avait un écho médiatique aussi faible sur cette émission et sur les nouveaux mots trouvés - jusqu'à maintenant je ne connaissait pas l'émission.

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